Rasin

Ascenceur emotionnel

Une bière en main, j'observai Bobby se débrouiller avec les lianes qui entravaient les murs de ma maison. Pour conserver le côté sauvage que cela donnait, il n'enlevait que ceux qui s'enroulaient sur les fenêtres . Je venais de recevoir une commande de bois pour construire une palissade autour de la maison et restreindre le terrain de jeu de Sam. Je savais à quel point la forêt pouvait être tentant. Petite, je m'amusais à l'explorer faisant fi des recommandations de mes parents. Je voulais prouver à ma mère qu'elle avait tort et que cette maison était tout à fait apte pour élever un enfant. Jamais au grand jamais, je ne serais allée m'installer sous son joug. Si Bobby arrivait à la supporter, moi pas. Elle restait ma mère mais notre relation avait toujours été très conflictuelle. Même quand je ramenais de bonnes notes, ce n'était pas le même accueil que si ça avait été Bobby. Bref, je profitais de mon après-midi avant le dîner pour faire quelques réparations puisque la petite maison n'a pas été habitée depuis des lustres.

Ma mère a eu la brillante idée d'inviter les parents de Caleb pour fêter le lien qui s'était formé entre les deux familles. À dire vrai, ils n'avaient pas vraiment été surpris que ça d'apprendre que Caleb était le père de Sam mais plutôt déçu que je leur ai caché la vérité. Ils avaient envisagé cette éventualité bien avant que je leur ai avoué la vérité. Ce n'était pas comme si Sam ne ressemblait pas à son père, il faudrait être aveugle pour ne pas le remarquer. J'aimerais dire que j'attendais ce dîner avec impatience mais non, je flippais carrément et j'en étais à ma cinquième bière. Je ne me voyais pas affronter ce dîner. C'était beaucoup trop tôt de réunir tout le monde et de jouer à la grande famille heureuse. Je ne pensais pas que je pourrais survivre aux remarques acerbes de ma mère et aux airs effacés de mon père. Les parents de Caleb étaient charmants mais rien ne me disait qu'ils ne m'en veuillaient pas de leur avoir caché l'existence de leur petit-fils.

Le fait que Sam était avec son père en ce moment était une bonne idée car mon état de stresse l'aurait inquiété. Quand on était que tous les deux, on se devait de veiller l'un sur l'autre et ça l'avait muri prématurément. J'espérais maintenant que puisqu'il avait retrouvé son père, il trouverait aussi son équilibre.

- Tu y seras à ce diner d'opérette que maman organise ? 

- Bien sûr, sinon qui sera là pour détendre l'atmosphère pendant que vous tireriez des têtes d'enterrement. Je sais que maman pense bien faire mais je crois que c'est un peu trop tôt ce dîner. Je crois que le mieux ça aurait été que tu discutes d'abord avec les parents de Caleb mais comme toujours maman n'en fait qu'à sa tête et essaie de contrôler nos vies.

- Je comprends pas comment tu fais pour la supporter. Je veux dire c'est pas comme si tu ne pouvais pas te payer un appart en ville!

Bobby s'arrêtais pour s'éponger le front en soufflant avant de me répondre.

- En fait, j'y pense depuis quelques temps. J'ai envie d'être plus indépendant. Si j'étais resté avant c'était à cause de Mamie Rosa mais maintenant qu'elle n'est plus là je songe sérieusement à quitter cette baraque. L'ambiance est trop toxique et les jugements de Tante Adelaide sur ma vie sexuelle m'énervent.

- Cette coincée...

Du plus loin que je me souvienne cette femme revêche n'avait jamais eu aucune relation avec quiconque prônant une chasteté que je n'arrivais pas à expliquer. C'était la dernière née de grand-mère et un peu la protégée de papa parce qu'elle était instable. J'étais entièrement d'accord sur ce point mais personne ne m'avait jamais éclairée sur cette instabilité ni ce sur ce qui l'avait causé. Elle était toujours là à promener sa rancoeur et sa mauvaise humeur dans la maison de Mamie Rosa.

- Je crois qu'on devrait se dépêcher, tu sais que maman veut qu'on soit là avec une heure d'avance même si elle s'occupe de tout preparer en plus tu dois aller t'habiller.-