Rasin

Ma mère

- Tout cela est tellement incroyable. J'en ai déjà entendu parler d'histoires de ce genre mais le vivre et en entendre parler c'est deux choses différents.

- Je n'arrive toujours pas à digérer tout ceci. On dirait que toute ma vie n'a été qu'une énorme farce. Tout n'était qu'un amas de mensonge. Et cette femme qui réapparaît comme une fleur, se prétendant ma mère.

J'avalai mon verre de rhum d'une traite puis fis signe au barman de me resservir. Daniel lui sirotait une bière qui ne devrait plus être fraîche maintenant. Il était la première personne que j'avais appelée après être sortie précipitamment de chez mes parents. On s'était rejoint dans un bar en ville et depuis, j'en étais à mon cinquième verre.

- Mais pourquoi t'es pas restée? Écouter leur explication au lieu de te torturer le cerveau à imaginer toutes sortes de scénarii abracadabrantesques?

- C'était tout simplement au dessus de mes forces. Je n'arrive pas à faire l'impasse sur le fait qu'ils m'ont menti durant toutes ces années.

- Il en dit quoi Bobby?

- Je ne lui ai encore rien dit. Si ça se trouve, il était au courant de tout.

Daniel fit une moue sceptique.

- Ça m'étonnerait. C'est de Bobby dont on parle. T'aurait-il caché un truc aussi gros, lui qui n'est pas un fan des secrets?

Je soupirai lourdement, l'esprit un peu embrumé par l'alcool ingurgité et le raisonnement tortueux de mon cerveau.

- J'en sais rien Dan. Je ne suis plus sûre de rien, avouai-je la gorge nouée.

Ce sentiment de trahison oppressait ma poitrine me donnant l'impression de me noyer. Toutes mes repères, mes certitudes se retrouvaient balayés. C'était donc ce que j'étais? Une bâtarde? Comment mon père a-t-il pu avoir le culot de forcer sa femme à élever l'enfant qu'il a eu avec sa soeur. Ça n'avait aucun sens. Ça ne collait pas du tout avec la personnalité de cet homme qui m'avait élevé. Cet artiste au grand coeur qui était toujours amoureux de sa femme après plus de 20 ans de mariage. Je sentais que l'histoire était un peu plus compliquée que ça. Mais je ne me sentais pas tout simplement capable d'encaisser un choc de plus.

- Belle?

Je tournai la tête vers lui l'air hagard.

- Tu veux que j'appelle Caleb?

- Caleb, répétai-je un peu hébétée.

La connexion était un peu rude au niveau de mes neurones. Ça m'apprendra à me saouler en étant à jeun.

- Tu es dans un sale état. Il faudrait que je le prévienne que tu ne pourras pas aller chercher Sam à l'école.

Je retins un hoquet d'horreur en me rendant compte de la situation.

- Oh mon Dieu Sam! Comment est-ce que j'ai pu l'oublier?

Le reste de la phrase se termina dans un sanglot. Honteuse je laissai ma tête rejoindre le comptoir du bar alors que les larmes dévalaient sur mes joues. Je ne voulais surtout pas que mon fils me voit dans un état aussi lamentable.

- Je veux reprendre le contrôle de ma vie.

- Tu l'as Belle. Savoir qui est ta mère ne change rien à ce que tu es maintenant. Tu t'es construit une vie super avec des gens super qui t'entourent. Tes origines n'y changeraient rien, tu peux me croire. Tu resteras toujours Annabelle Néard, la maman d'un petit garçon extraordinaire et patronne d'un auberge paradisiaque. C'est tout ce que j'ai besoin de savoir. Peut m'importe que ta mère s'appelle Betty ou Lydia.