La rencontre

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En faisant les cent pas dans l'ancien bureau de Mamie Rosa maintenant mon bureau je ne cessait d'imaginer des scénarios tous plus improbables que les autres sur comment j'aurais aimé que soit cette rencontre. Tous mais je n'avais jamais imaginé celui-là. Le revoir ici où nous nous sommes revus pour la dernière fois, dans l'auberge familiale.

- Qu'est ce que t'as maman? Me demanda Sam en m'observant avec une mine inquiète.

- Rien mon chéri, je réfléchis c'est tout.

- Tu le connais l'ami d'oncle Bobby?

Étonnée je l'observai et pus constater qu'il avait hérité du sens de la déduction de son père. Ce qui était extraordinaire mais en même temps, très embêtant, en ce moment.

- Oui je le connais, on a pratiquement grandi ensembles. C'était mon meilleur ami, avouai-je dans un murmure.

- Comme tante Janice ?

- Comme tante Janice.

- Il a l'air cool.

- Il t'a vu? M'enquis-je le coeur battant.

- Non, oncle Bobby n'a pas voulu et m'a dit de te rejoindre.

- Tu as bien fait.

- Pourquoi il ne doit pas me voir? Est-ce que j'ai fait une bêtise? Me demanda t-il de sa petite voix fluette en m'observant avec ses orbes bruns, l'incarnation de l'innocence.

- Bien sûr que non mon chou, le rassurai-je dans un sourire. Ça te dit d'aller faire un tour en ville pour que je te montre mes endroits préférés?

- Oh oui! S'exclama t-il enthousiaste.

- Allez, viens.

Je classai les dossiers sur le bureau en mettant dans un tiroir ce que j'avais déjà traité et en rangeant le reste près de mon pc en une petite pile bien ordonnée. Marcher dans les rues de Lafayette me ferait le plus grand bien et je pourrais en profiter pour faire une visite guidée à Sam sur cette terre qui m'a vu naître et qui rappellait celle de mes ancêtres par la similitude de quelques habitudes de notre contrée notamment par le fait qu'on peut y retrouver un groupe d'individus créolophones. Pour la première fois je ressentais cette nostalgie de mon ignorance de mon héritage haïtien. Je concevais d'avoir une partie de mes gènes qui était américaine mais je ne pouvais ignorer plus longtemps ma part haïtienne. Je devais en savoir plus sur mes ancêtres. Et la personne qui aurait pu m'en dire plus n'était plus de ce monde. Maintenant que Mamie Rosa n'était plus là, je considérais le fait de ne rien savoir de là où elle venait comme une grande trahison.

Fière de cette résolution, je pris mon fils avec moi pour passer par les cuisines de l'auberge afin d'éviter une éventuelle confrontation avec Caleb.

- Mlle Neard? Interpela un garçon de cuisine.

- Oui Jeffrey?

- Ce soir nous avons du ragoût au menu mais les commandes de persil tardent car Ralph parle d'une modification dans les prix.

Zut! Ma promenade attendra. Ralph était notre fournisseur d'épices et d'herbes et il a sans doute pensé que puisque Mamie Rosa n'était plus de ce monde il pouvait nous raquetter. Encore un dénué de bonne foi! La seule raison pour laquelle ma grand-mère commerçait avec lui, c'était parce qu'avant tout c'était le commerce de son père. Et que Mamie Rosa collaborait avec depuis des années. C'était une femme qui tenait beaucoup aux traditions. Si ça ne tenait qu'à moi, j'aurais immédiatement changé de fournisseur à la mort du vieux. Ralph était de la mauvaise graine.

- Je m'en occupe, mais dis au chef de passer me voir après la fermeture pour discuter de la carte du menu et de possible modification.

- Bien, mademoiselle.

RasinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant