Rasin

Haut les coeurs!

J'étais complètement fourbue, la journée avait été rude. Il semblerait qu'une bande d'étudiants aient envahis le marais et avaient besoin d'un gîte pas cher avec une bonne chère en plus. On a donc affiché complet et j'ai du faire le service aux chambre pour suppléer mes deux employés puis ça a été l'effervescence aux cuisines. J'ai les chevilles en feu, le dos tout endolori en clair j'étais complètement lessivée. J'effectuai la fermeture tout en recommandant à Ed qui logeait ici de m'appeler en cas d'urgence comme d'habitude. Ça aurait été plus simple d'habiter sur les lieux mais Mamie Rosa a voulu préserver l'intimité de sa vie familiale. Depuis l'embauchement d'Ed, il est multifonction s'occupant de l'écurie tout en effectuant les petites réparations et assurant le service de nuit quand un client se réveille au milieu de la nuit et a besoin de quelque chose.

Je fus la dernière à quitter les lieux cette fois-ci aux alentours de 22h. La nuit était déjà bien entamée et la température un peu plus fraîche. J'offris mon visage à la caresse de la légère brise nocturne en soupirant de bien-être. Je me sentais particulièrement détendue malgré l'état piteux de mon corps, peut-être parce que je savais que Caleb était à la maison attendant mon retour. Il passait de moins en moins de temps chez lui depuis sa rupture avec Judy, pas que ça me dérange mais on dirait que la chose l'atteignait beaucoup plus que ce qu'il laissait paraître. Je me ferais un plaisir de lui remonter le moral.

D'ailleurs, je me dépêchai de filer à la maison tout en conduisant ma petite coccinelle avec prudence, je ne veux pas non plus qu'on me ramasse sur la chaussée à petite cuillère. Dès que je mis les pieds à l'appartement, une brusque envie de m'allonger dans mon lit me tomba dessus. J'enlevai mes chaussures que je mis dans le placard de l'entrée et enfilai des chaussons d'intérieur. Je retrouvai Caleb assis dans mon canapé en train de lire... un manuel de médecine. Il leva les yeux vers moi à mon entrée, sourit puis déposa son livre.

- Bonsoir, t'as passé une bonne journée?

Je me laissai tomber à ses côtés en soupirant.

- Salut, c'était l'effervescence à l'auberge aujourd'hui. Je suis toute ankylosée! Sam dort depuis longtemps?

- Depuis 2 heures déjà, il voulait rester éveillé pour ton retour. Le sommeil a fini par avoir raison de lui.

Je lâchai un geignement plaintif, la tête renversée en arrière.

- Il va tellement m'en vouloir. Je m'attends au pire venant de lui. Bon je suppose que je l'aurais mérité.

Il hocha la tête goguenard pas du tout compatissant.

- Un de ces jours ce sera ton tour crois-moi, ajoutai-je en le pointant d'un doigt vengeur.

Il me regardait intensément, un sourire vissé sur les lèvres comme si j'étais un sujet passionnant. Un peu intimidée ( je ne savais pas pourquoi d'ailleurs ) mais aussi flattée de faire ressurgir ce genre de réaction chez lui, je haussai les sourcils l'air interrogateur. Il avait la tête appuyé sur un poing assis dans une posture élégante, tourné vers moi.

- J'avais oublié que le jaune t'allait aussi bien.

Je baissai les yeux sur mes vêtements dissimulant au mieux un sourire naissant. Il avait toujours aimé me voir porter du jaune. Devenait-il nostalgique? Je lissai ma robe dans un geste que je voulais séducteur.

- Merci... Qu'y a-t-il? M'enquis-je alors qu'il se mordait la lèvre inférieure dans un tic nerveux.

- Je me dis juste que j'ai été un imbécile...

Il n'avait pas besoin d'en dire plus, je devinai aisément de quoi il voulait parler.

- Je pense qu'il y a certaines épreuves dans la vie qui sont obligatoires si on veut en tirer des leçons. Nous deux, c'était tellement soudain. On n'avait jamais vraiment pris le temps de mettre un nom sur notre relation, ni de parler de nos attentes. On était chacun dans le flou de ce que l'autre voulait vraiment... Je ne te l'ai jamais dit mais à l'époque je me voyais avec toi pour toujours. J'étais prête à te suivre au Texas pour être près de toi durant tes études.