Prise de becs

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Priant tous les saints du monde je rejoignis Caleb qui m'attendait dans le petit salon privé de ma grand-mère. Je n'avais pas spécialement envie de me confronter à lui mais je l'avais provoqué, il fallait que j'assume. Je n'aime pas être lâche même si avoir du courage est difficile. Mais là, il faut que je m'affirme. J'ai fait ce qu'il fallait pour passer le reste des vacances avec mon fils en occultant la visite à son père. Père qui a été absent pendant presque 7 ans, il peut bien encore attendre.

Le petit salon de grand-mère est située juste à côté de la bibliothèque et communique par une porte en acajou travaillé. J'ai toujours adoré cet endroit à l'effigie de la personnalité de Mamie Rosa. Une petite pièce meublée avec goût de meubles alliant modernité et ancienneté. Un divan de velours côtoie une petite table basse en acajou Chippendale, deux chaises en bois au siège rembourré de coton, une bibliothèque riche en chef-d'oeuvre littéraire qui ont bercés la vie de ma grand-mère. Des livres en anglais, français, espagnol, créole, italien et mandarin. Ce sanctuaire n'a subit aucun changement à sa mort et j'aime m'y réfugier quand les souvenirs menacent de s'estomper.

Je traversai le grand salon et longeai le couloir qui mène au quartier de Mamie Rosa. Mon père a jugé bon de faire attendre Caleb ici pour qu'on puisse discuter en toute intimité. Et je l'en remercie car ça promet d'être sportif. Quand je pénétrai dans le petit salon, je découvris Caleb, Sam sur ses genoux en train de discuter gaiement. Les yeux de Sam pétillent de bonheur et son sourire est juste... Magnifique. Caleb n'est pas en reste car il fixe mon fils d'un air gaga en lui expliquant d'où lui vienne sa cicatrice à la tempe gauche. Je crois que je ne pourrais jamais m'habituer à les voir ainsi. À chaque fois, ça me tord les tripes de les voir si complices. Leur relation s'est établie sans heurt avec une étonnante facilité. Sam et Caleb se sont acceptés dès qu'ils ont appris le lien qui leur unissait de manière naturelle. J'avais peur qu'apprendre la nouvelle le bouleverserait et qu'il lui faudrait du temps pour s'habituer à l'idée mais je me suis trompée apparemment.

- Bonsoir Caleb!

Il leva les yeux vers moi et me toisa froidement.

- Bonsoir Annabelle! Sam tu peux nous laisser, ta mère et moi on doit discuter?

- D'accord mais après tu viens jouer avec moi?

- Bien sûr.

- J'y vais alors...

Je suivis la silhouette de mon fils qui s'en alla après nous avoir souri. Quand je fus sûre qu'il était parti, je m'assis sur un divan en face de Caleb.

- Qu'est ce que je dois faire Annabelle?

Direct au but comme d'habitude. J'essayai de retrouver les traits de mon ancien ami derrière ce visage austère et fermé. Comment est ce que ça a pu autant dégénérer entre nous au point qu'on vienne à se dévisager comme de potentiels ennemis?

- Que veux tu dire?

Je l'avoue, j'essaye de gagner du temps pour trouver une excuse plausible.

- Ce que je veux dire c'est que t'es qu'une sale égoïste!

Je sursautai sous l'impact et la violence des mots.

- Égoïste? Je te rappelle que tu m'as plaqué parce que tu voulais mener ta barque tranquille sans être obligé de trainer une petite amie encombrante dans les pattes. D'ailleurs je ne suis même pas sûre que tu me considérais comme tel vu que tu nous obligeais à être cachés.

Ses prunelles s'assombrirent et il se figea sur sa chaise.

- Nous ne sommes pas là pour parler de nous mais de notre fils. Fils je te rappelle, dont tu m'as caché l'existence pendant 6 ans.

RasinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant