Judy Harris

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L'automne est déjà bien entamé. Petit à petit, je me familiarise avec mes nouveaux voisins. J'avais presque oublié ce que c'était d'en avoir. Étrangement, vivre au milieu de nul part me manque un peu. La forêt m'environnant, la rivière serpentant à quelques kilomètres de la cabane, le concert des grillons en pleine nuit. J'avais oublié à quel point la ville pouvait être bruyante. Mais bien sûr, il y a quelques points positifs comme la proximité de l'école de Sam.

L'auberge était presque vide mais le restaurant marchait toujours. Plusieurs personnes en ville, cherchant la tranquillité venaient y dîner. Les employés saisonniers étant partis, l'effectif du personnel s'en retrouva très réduit ce qui m'obligeait à jouer sur tous les fronts. Il y a même des soirées où j'ai du jouer au serveuse alors que je suis très nulle en tant que telle. Cette polyvalence plait beaucoup à mes clients et à mes employés.

Aujourd'hui, exceptionnellement, nous avions une soirée de fiançailles. J'ai été très surprise quand l'organisatrice m'a appelé pour réserver la Villa Créole pour ce soir. La fiancée, une ancienne camarade de classe la lui ait suggérée. C'est le genre de chose que Mamie Rosa aurait adoré. Je conviens que le cadre paradisiaque de l'auberge convenait agréablement à ce genre d'évènements. Qui sait, peut-être que dans quelques temps on se taillera un nom dans l'événementiel en tant que lieu idyllique? Ça fait toujours du bien de rêver.

Étant donné que la soirée se poursuivra tard dans la nuit, j'amène Sam chez son père. Mon petit bonhomme, tout excité à cette idée m'aide à faire son sac. Pas beaucoup de choses puisqu'il a des affaires chez son père, juste sa peluche Winnie, son livre de conte préféré, son cahier de dessin et ses crayons de couleur.

- Je crois qu'on a tout mon p'tit prince. Tu es prêt à y aller?

Il hocha la tête faisant virevolter les tresses que je lui ai faites. Bobby affirme que j'essaie de le transformer en fille ce qui est complètement faux. Mon fils a de magnifiques cheveux donc je les ai arrangés à son avantage et non parce que je joue à la poupée avec lui. Il n'y a rien de féminin au fait qu'un homme ait des cheveux tressés. Et dans le cas de mon fils, ça lui va tellement bien que la question de la légitimité de cet acte ne se pose plus.

J'éteignis les lumières, le chauffage avant de prendre mon sac. La petite Volkswagen que je me suis offerte, m'attendait dans le parking faiblement éclairé par des lampadaires. Je suis immédiatement tombé en amour devant ce modèle me rappelant mon enfance. Elle est absolument parfaite. Sam la trouve amusante, lui. Comment diable est-ce qu'une voiture peut être amusante?

Le trajet jusqu'à l'appartement de Caleb fut rapide et animé par la playlist de conduite que je me suis créé dernièrement. Il y a de tout, de vieux tubes de Nat King Cole, de Cyndi Lauper, des incontournables de Rihanna et quelques artistes qui me viennent de l'île natale de ma grand-mère comme Yole Desrose, Emeline Michel, Boukman Eksperyans et j'en passe. J'aime conduire bercé par la musique, ça me permet de me détendre. Arrivé à l'immeuble, je tapai le digicode que je connaissais par coeur maintenant. Dans l'ascenseur, je rencontrai un des voisins de Caleb qui me salua avec jovialité. C'était un peu comme si j'habitais ici vu le nombre de fois où j'y mangeais ou dormais.

- Bonsoir vous deux!

- Bonsoir Bradley.

Avec gentillesse ou galanterie, il me débarrassa du sac de Sam.

- C'est gentil!

- Oh je vous en prie. La garde partagée je connais... Je suis divorcé, ajouta-t-il comme s'il me confiait un grand secret.

- Oh, je suis désolée, dis-je platement, très mal à l'aise par sa confidence.

Je ne savais jamais quoi dire à quelqu'un m'annonçant ce genre de chose. N'aimant pas trop les formules de politesse toutes faites, prononcées mécaniquement mais je ne voulais pas non plus en faire trop car ça aurait sonné faux vu que bah... je le connaisais à peine.

RasinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant