C8 - American Dream

871 70 18
                                        


Chapter Eight | American Dream

« Mais qu'est-ce qui t'es passé par la tête ? » s'époumone mon père en levant les bras de manière théâtrale

Bonjour Papa, oui je vais très bien, merci.

Mon père hurle encore lorsque je lève les yeux au ciel avant de m'enfoncer dans mes draps. Son regard semble terriblement froid voire vitreux. Je passe ma langue pâteuse sur mes lèvres sèches en ne quittant pas mon père du regard. Sauf lorsque mes paupières, trop lourdes, se ferment de leur propre accord. Je bouge dans mon lit essayant de trouver une position plus confortable, mon dos me fait horriblement mal, et ce, malgré les nombreux médicaments qui m'ont été administré pour pallier ça. Un rictus se forme sur mon visage, ce qui stop la tirade de mon père pendant quelques secondes. Il arque un sourcil en me fixant et se rapproche un peu plus de moi. Son visage se métamorphose en quelque chose de moins dur et moins agressif. L'inquiétude remplace sa colère, et la crainte l'irritation.

« Tu as besoin de quelque chose ? »

« Nah » Ma voix est beaucoup trop basse et j'arrive à peine à articuler mes phrases ce qui force mon père à se rapprocher davantage « J'ai pris quelque chose il n'y a même pas cinq minutes. Ça va passer »

Il hoche la tête solennellement avant de s'éloigner de nouveau de moi. Mon père a changé indéniablement. Ce n'est plus l'homme de quarante ans qui jouait avec moi à chat dans le jardin sous le regard de ma mère. Ce n'est plus l'homme qui me lisait les aventures d'Agatha Christy quand je lui demandais de me lire une histoire alors que j'avais à peine eu mes six ans. Dans mes souvenirs, il avait toujours cette petite rougeur sur ses deux joues remplies. Ses cheveux étaient toujours stylisés d'une façon particulière mais qui lui donnait un certain charme, et il avait toujours ce sourire resplendissant sur son visage. Un sourire qui s'étendait jusqu'à ses yeux. Il était vrai, il brillait, il me remplissait de chaleur quand j'étais petit.

Maintenant son regard s'est assombri et son rire n'est plus qu'un vaste souvenir. Son visage est tiraillé par les marques de vieillesse qui sont trop présentes pour ces cinquante-deux ans. Il a le visage de quelqu'un qui a trop vu. Quelqu'un qui a trop souffert et qui est à deux doigts de s'effondrer.

C'est d'ailleurs ce qu'il a fait quand il est entré pour la première fois dans la chambre après l'incident. Lorsqu'il m'a vu, c'était comme si toute la pression qu'il avait accumulé s'était évaporé et qu'il ne pouvait pas faire autrement que de laisser s'échapper ses sentiments. Ses larmes chaudes tombaient sans retenues sur mon épaule, brûlant ma peau à chaque fois. Je ne savais pas comment réagir face à l'excès d'émotions que me montrait mon paternel à ce moment-là. Je l'ai vu pleurer que des rares fois et elles remontent à tellement loin que j'avais oublié ce que ça faisait.

Son embrassade a été étouffante pour moi. Je n'ai pas réussi à acclimater mon cerveau pour qu'il accepte les gestes tendres d'un père qui ne m'avait pas montré ce genre d'affection depuis des années. En réalité, je n'ai pas cette sorte d'intimité avec mon père. Nous ne nous faisons pas des câlins, des bisous et de signes d'affection à tout-va juste parce que c'est naturel de le faire dans une famille. Tout ce qui se rapproche de quelque chose qui pénètre l'espace vital de l'un ou de l'autre nous rend mal à l'aise. Nous sommes tous les deux un peu rouillés sur ce domaine, deux novices qui ont du mal à montrer qu'ils s'aiment de cette façon.

Pourtant, il y a une époque, quand j'étais encore un enfant et encore incapable de voir la laideur du monde, mon père était quelqu'un de très tactile. Étant son premier -et seul- enfant, j'ai eu droit à une avalanche d'amour de sa part. J'étais le fruit de l'amour de mes deux parents et à chaque fois que je le voyais me regarder comme si j'étais son univers, j'en avais des vertiges. À cinq ans à peine, je pensais être le petit prince de mon père, lui, était mon héros. On passait tous nos samedis à jouer dans le petit jardin qui se trouve derrière la maison. Tous les jeux les plus farfelus qui me passaient par la tête devenaient réalité. Pas une fois il a refusé de se soumettre à mon esprit vivace et un peu bizarre. Je l'ai idolâtré pendant de longues années. En grandissant, les étoiles que j'avais dans les yeux se sont atténuées. Au fil des années sa présence à la maison été moins importante. Les samedis complets se sont transformés en des après-midi, puis en quelques heures, pour se morfondre finalement en quelques bonjours dans les couloirs de la maison -quand on se voit-, avant qu'il ne s'éclipse. Notre dynamique familiale ne s'est pas pour autant évanouie. Certes, quand je rentre dans la maison, je ne m'engouffre pas dans l'odeur des cookies maison, il n'y a pas le son de voix qui s'exclament, ni des rires qui égaient les pièces de la maison. J'ai oublié la sensations des lèvres douces s'écrasant sur mes joues à la sortie d'école et des étreintes protectrices et chaleureuses m'accueillant à la maison. Chez les Stilinski, nous ne vivons pas l'Americain Dream. Avec mon père désormais Shérif de la ville, ce n'est pas un luxe que nous pouvons avoir. Cependant le tonneau d'amour, d'affection, de tendresse et loyauté coule toujours dans nos veines et se déverse toujours quand cela est nécessaire.

Exit WoundsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant