EPILOGUE

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EPILOGUE

Un flocon de neige tournoie dans le ciel avant de venir se poser doucement sur mon nez. Mon nez se retrousse légèrement lorsqu'une sensation de froid explose sur ma peau pendant une demi-seconde. Sensation que je tente d'éradiquer à l'aide de mon poing fermé que je passe plus d'une fois sur mon nez pour déloger le flocon qui a probablement déjà fondu.

J'extirpe d'une des poches de mon manteau les gants que j'avais emportés avec moi précipitamment et les enfile d'un geste presque solennel. Une fois les gants mis – après plusieurs essais, je souffle dans mes mains en coupe pour essayer de trouver une once de chaleur supplémentaire.

J'arrive à me réinscrire dans la réalité, à l'extérieur de ma bulle, qu'au moment où un enfant court un peu trop près de moi et tombe à quelques centimètres de l'endroit où je me trouve. Par réflexe je tends la main vers lui avant de me restreindre. Ma main forme un poing que j'enfonce dans ma poche alors que mes sourcils s'arquent à leur maximum.

L'enfant tourne la tête vers moi. Ses yeux marrons brillent alors que de petites larmes perlent dans le coin de ses yeux. Son nez et ses joues sont rosis par le froid et je remarque, lorsqu'il me sourit, qu'il lui manque une dent. Il me montre son pouce avant de se lever précipitamment et se remet à courir comme si les quelques secondes qui venaient de s'écouler n'avaient pas existé.

Je regarde le garçon rejoindre son groupe d'amis. Un de ses amis passe son bras autour de ses épaules alors qu'un autre lui ébouriffe les cheveux. Puis, ils partent tous un peu plus loin probablement pour faire un bonhomme de neige ou une bataille de neige. 

Un fin sourire prend place sur mon visage – une certaine nostalgie, une certaine mélancolie que j'enfouis rapidement en regardant les traces de pas laissés dans la neige.

Les pas de l'enfant sont rapidement enfouis sous d'autres pas, jusqu'à ce qu'ils disparaissent complètement. Les flocons de neige qui se multiplient et tombent sans grâce sur la couche de neige déjà présente, désireux d'effacer au plus vite les marques qui souillaient le manteau blanc jadis immaculé aide aussi.

Avec une touche qui se veut magique, la neige étouffe toutes les traces qui ne lui appartiennent pas ; tout ce qui pourrait entacher son côté féerique. Elle noie toute trace du passé, toutes les tragédies qui ont pu avoir lieu dans la ville. Elle enjolive d'un coup des lieux que nous ne pouvions pas regarder par crainte de nous remémorer des cadavres amochés ou encore le sang qui avait imbibé l'asphalte.

Elle nous submerge d'une amnésie totale alors qu'elle englobe l'entièreté de la ville doucement. Personne ne s'en rend compte. Ou plutôt, tout le monde accepte cette mise à distance avec la tragédie. Tout le monde s'empresse d'oublier, s'empresse d'embraser leur enfant intérieur, jouant dans la neige, regardant les flocons tombés, feignants que tout est normal.

Chercher la normalité à ce stade pour les habitants de Beacon Hills est presque un besoin viscéral.

C'est quelque chose que la neige se plaisait donc a donné aux habitants. Quelque chose de quasi-féerique. Hors du temps.

De plus, cela faisait des années qu'il n'y avait pas neigé de cette façon à Beacon Hills. Si bien que beaucoup avait déjà oublié la sensation de la neige sur leur doigt et combien le froid pouvait être sans appel.

Pourtant pour certaines personnes, il est encore compliqué d'oublier la tragédie qui s'est déroulée quelques mois plus tôt. Elle est encore partout, dans ces petites choses du quotidien qui nous projette dans ce passé brutal.

Il suffit de regarder cet immeuble indéfiniment condamné – le même où les jeunes ont été suspendus, ou encore les patrouilles de police qui se sont multipliées et le changement d'organisation au sein de l'office.

Exit WoundsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant