L'aube se levait à peine lorsque les premiers cris du réveil envahirent la chambre. D'un geste nerveux, Brooklyn envoya l'appareil valser sur le sol – hors de question qu'il supporte les notes assassines de cette plainte ne serait-ce qu'une seconde, ce matin.
Le garçon resta blotti au fond de son lit pendant un petit moment, fixant d'un regard hagard le raie de lumière qui filtrait au bas de sa porte. Julie, sa tante, devait déjà être levée. Calfeutré dans la douce chaleur de ses draps, le blond s'interrogeait sur le temps qu'il pouvait bien lui rester avant qu'elle ne le force à quitter son lit.
- Mon chéri ?
La porte qui lui faisait face s'ouvrit dans un grincement assourdissant.
Pas longtemps, apparemment, pesta Brooklyn intérieurement.
Une vague de lumière s'engouffra subitement dans la pièce, balayant l'obscurité à la manière d'un courant d'air. Julie poussa un faible « hum hum » afin de capter son attention.
Pas de réponse – c'était à prévoir. La jeune femme s'éclaircit la voix.
- Brooklyn, commença t-elle, j'ai entendu ton réveil sonner.
Elle marqua une courte pause. Sa silhouette, aussi menue que chancelante, se découpait dans la clarté aveuglante qui desservait le couloir.
- Et je suis sûre que toi aussi. Allez mon grand, ne fais pas semblant de dormir. Tu sais aussi bien que moi qu'on ne peut pas se permettre d'être en retard, aujourd'hui.
Brooklyn ne répondit pas. Ses doigts se crispèrent autour de la couverture ; ses ongles crissèrent sous le tissu blanc.
Aujourd'hui. C'était aujourd'hui.
Julie garda le silence pendant une dizaine de secondes. Elle pinça les lèvres, hésitante.
- Je sais que c'est dur, Brookie. Et j'en suis vraiment désolée.
- Ne dis pas ça ! s'écria le garçon en se redressant.
Le timbre cassant et agressif de sa voix ne surprit pas sa tante – c'était la même chose depuis des jours.
- Tu n'es pas désolée, reprit Brooklyn. Et je ne suis pas triste.
Julie hocha la tête en silence, comprenant que la discussion n'était pas de rigueur.
- Tu as besoin de quelque chose ? Tu veux que je te prépare ton petit-déjeuner, ou que je te fasse couler un bon bain chaud ?
- Je suis orphelin, pas impotent.
Julie baissa les yeux. Quelques perles salées roulèrent le long de ses joues mais elle fit volte-face pour les cacher à son neveu.
- Très bien. Je vais te laisser, alors. Mais ne tarde pas trop : nous devons être partis d'ici vingt minutes.
Brooklyn acquiesça d'un grognement mauvais. Un vague sentiment de culpabilité essaya de s'insinuer en lui, mais il ne se laissa pas abuser. On s'apprêtait à enterrer son père. Il avait le droit d'être odieux, aujourd'hui.
Brooklyn rabattit les couvertures sur ses pieds avant de se lever d'un bond. Il ouvrit ses volets, huma l'air matinal. Il était frais. La fraîcheur aidait un peu – c'était toujours plus facile d'accepter un décès quand on avait l'impression de sentir le souffle glacé de la mort courir contre sa nuque.
Brooklyn esquissa un petit sourire ; il était plus névrosé qu'il ne le pensait.
Le garçon secoua la tête. Son père était un criminel. Il était mort en essayant de s'évader de prison. Il l'avait abandonné lorsqu'il avait six ans. Ce n'était pas ça, un père.
VOUS LISEZ
Nubiris - La Tour de la Gloire
ParanormalLa fin de l'été tombe sur la métropole fictive de Comics Park, et avec elle, une bien curieuse nouvelle : Alex Heigl, le célèbre scientifique, ange déchu haï par toute la ville, vient de se donner la mort. Même Brooklyn, son unique fils, semble sing...