Chapitre 30

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Brooklyn passa outre les services de sécurité sans difficulté majeure. À l'approche du crépuscule, il n'était pas difficile pour lui de se faire passer pour une ombre. Silencieux, d'un pas aérien, le garçon se fraya un chemin à travers le luxueux hall d'entrée et se glissa juste à temps dans le premier ascenseur qu'il trouva. Dès que les portes se rouvrirent, le garçon s'empressa de se jeter dans un coin pour être sûr de ne pas se faire repérer. Le couloir devant lui était vide. D'un trait, Brooklyn le traversa, sans vraiment savoir où il allait l'amener, vaguement conscient de toute l'étendue de sa beauté. Du coin de l'œil, il aperçu un sol de marbre noir, de gigantesques baies vitrées voilées de tentures vermeils, des bureaux privés aux mobiliers de chêne ... L'agencement géographique de la tour lui échappait. C'était comme si elle n'obéissait à aucune loi architecturale, comme si des pièces avaient simplement étaient collées les unes aux autres sans logique particulière. Brooklyn tourna la tête à gauche puis à droite. Il continua d'avancer le long de la ligne de bureaux jusqu'à tomber sur un croisement. En face de lui, une salle de repos jouxtait une salle d'attente ainsi qu'une rangée d'ascenseurs. Précautionneusement, Brooklyn pénétra dans la pièce à vivre. Là, posé sur une grande table était déroulé un plan de la tour, tel un véritable cadeau de la providence. Brooklyn se pencha sur la carte et commença à l'étudier. Il avait toujours manifesté de piètres capacités en matière d'orientation et la pure et simple logique mathématique des plans lui fit immédiatement regretter toutes ses années d'inattention dans les cours de BDB. Après plusieurs minutes d'intense réflexion, le garçon finit par se repérer. Pourtant, ces nouvelles informations ne lui furent guère utiles. Le gratte-ciel était si gigantesque qu'il était tout simplement impossible de s'y retrouver. Brooklyn savait que le laboratoire secret était là, sous ses pieds. Il pouvait sentir le portail. Mais comment y accéder ? Clare savait tous les secrets qu'il renfermait. Il ne pouvait pas avoir bêtement laissé son entrée libre d'accès au moindre petit employé ... Non, il devait avoir mis en place une fine stratégie pour s'en garantir l'exclusivité. Il avait dû exiger de ses architectes que seul lui puisse être en mesure d'y accéder. Brooklyn devait simplement trouver cet accès secret. Il devait, il devait ...

 – Qu'est-ce que ...

 Brooklyn fit volte-face et envoya son pied valser derrière lui. Une germe d'étincelles s'envola de sa seconde peau quand elle entra en contact avec celle de l'employé. Le pauvre homme s'effondra sur le sol, une marque cuisante au niveau de la pommette, le visage vide de quelqu'un livré à l'incompréhension. Brooklyn ne lui laissa pas le temps de se redresser. Aussitôt, il se jeta à son cou et s'écria : 

– Comment accède t-on au bureau de Jason Clare ? Dis-le moi ! 

Sa propre voix le terrifia. Une vilaine fumée commençait à s'élever de l'uniforme de l'employé, là où Brooklyn l'empoignait pour le maintenir immobile. Les yeux du pauvre homme tremblaient. Il semblait bien incapable d'aligner le moindre mot.

 – Je ... Je ... 

Brooklyn se détestait, il se détestait tellement ... S'efforçant de paraître le plus menaçant possible, il leva la main en l'air et y alluma un minuscule brasier de couleur pourpre. Le corps de l'homme se raidit à l'approche des flammes. Il essaya de se débattre, mais la détermination de Brooklyn était plus forte.

 – Je ne le répéterai pas, où-est-le-bureau ? 

– Il est ... Je ... 

L'employé vomit l'information quand son premier sourcil commença à roussir. Satisfait, Brooklyn le relâcha immédiatement et rejoignit les boyaux de la tour, laissant à l'employé le loisir de s'évanouir tout son soul. Les couloirs se ressemblaient beaucoup. L'architecture et leur caractère luxueux y étaient pour beaucoup, évidemment, mais Brooklyn avait presque l'impression qu'ils avaient été conçus pour y perdre les intrus. C'était stupide, évidemment. Après tout, ce n'était que le siège social d'une entreprise, pas vrai ? Brooklyn ferma les yeux et se remémora les instructions de l'employé. « 6ème étage puis entrer au service de comptabilité puis monter jusqu'aux ressources humaines pour prendre le Grand Ascendeur ». La logique de cette disposition échappait au garçon. Pourquoi Clare voudrait-il se mêler au bas-peuple pour accéder à son bureau ? Ça n'avait aucun sens. Il devait sûrement posséder sa propre entrée secrète. Brooklyn répéta les instructions en boucle dans sa tête jusqu'à arriver à une grande porte à double-battant affublé du panneau « ressources humaines ». Déterminé, il s'apprêtait à pousser les portes quand il entendit un cortège de voix s'élever dans son dos. Brooklyn s'abandonna dans la première ombre. 

Nubiris - La Tour de la GloireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant