Chapitre 29

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Quinn profitait de la chaleur de l'aube. En contrebas, les lumières du ciel dansaient à la surface de l'Océan, colorant ses vagues et son écume de dorures miroitantes. Pas un nuage ne peuplait le ciel ; la caresse du soleil était douce et légère sur sa peau. Quinn gardait les yeux fermés. Elle entendait les feuilles des arbres et les brins d'herbes glapir doucement, comme chatouillés par la main du vent. Tout était si calme ici, si paisible. Comics Park était silencieuse. Ses hurlements n'atteignaient pas la Falaise. À tâtons, Quinn saisit son sac et le serra contre elle. Elle sentit le tissu lui renvoyer les propres battements de son cœur alarmé. Aujourd'hui. C'était aujourd'hui.

Julie toqua délicatement à la porte de la chambre, qui baillait légèrement. Brooklyn, tendu devant son miroir, se débattait avec son nœud-papillon. – Tu es très élégant, Brookie, dit-elle en s'approchant de lui. Elle libéra ses doigts de l'entrave de l'accessoire et le noua en nœud simple autour de son cou. Le regard de Julie se brouilla de larmes fantomatiques. Un sourire triste étirait ses lèvres. – Es-tu sûr de bien vouloir y aller ? demanda t-elle dans un dernier espoir. Brooklyn acquiesça, l'air déterminé. – Oui, Tata, j'en suis sûr. Je pense en avoir besoin. Julie s'attarda un instant sur l'ardeur qui brûlait derrière ses hautes paupières avant de l'attirer tout contre son corps. – Fais bien attention à toi, surtout, soupira t-elle en lui caressant la tête. Brooklyn la laissa faire. Ils restèrent ainsi blottis, l'un contre l'autre, pendant un long moment, comme si rien n'avait changé depuis l'époque où Brooklyn souillait encore ses couches ; comme s'il était redevenu un jeune enfant et elle une mère prématurée. Puis Julie recula, lui caressa la joue et tourna les talons. Brooklyn la regarda s'éloigner avec une triste détermination. C'était comme si elle savait déjà. Le cœur serré, il sortit de sous son lit une petite boîte en carton et en sortit les poignards, maintenant uniformément colorés d'un noir opaque. Quand le garçon s'empara du premier, il sentit une décharge d'électricité remonter le long de son bras. Impassible, il entreprit alors de les dissimuler dans la poche intérieure de son smoking, fatalement conscient que leur raison d'être prendrait tout son sens aujourd'hui.

Ethan frappa doucement à la porte de sa sœur. – Emma ? appela t-il avec tendresse. La retransmission va bientôt commencer. J'ai déjà préparé le petit-déjeuner, tu n'as plus qu'à descendre. Une attente fébrile engourdissait ses intestins. Le garçon s'était levé tôt pour s'assurer que tout soit prêt à temps. Cela faisait des semaines que les équipes de communication de la Clare Enterprise rivalisaient d'ingéniosité pour s'assurer que l'Inauguration occupe tous les esprits. Les médias ne parlaient plus que de ça ; dans les rues, le nom du Kingdom State Building flottait sur toutes les lèvres. Même en sachant quel genre d'homme était Jason Clare, Ethan ne pouvait se résoudre à manquer ce moment. Une nouvelle page de Comics Park était sur le point de s'écrire. – Emma ? répéta Ethan en toquant une nouvelle fois. Dépêche-toi, tu m'as dit hier que tu voulais la suivre avec moi. La veille, les deux Luddington avaient eu une longue conversation sur l'effet que l'inauguration pourrait avoir sur Quinn et Brooklyn. Ethan s'inquiétait pour ses amis – même s'ils ne laissaient rien paraître, il se doutait que cette visite ne saurait les laisser indemnes. Emma avait essayé de le rassurer, de lui porter conseils, mais rien de ce qu'elle lui avait dit n'avait su soulager les maux qui tordaient ses tripes. Il se sentait liés aux émotions de ses amis – leurs incertitudes étaient les siennes, tout comme leur douleur. Au final, seules leurs pensées lui demeuraient

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étrangères. – Allez, Emma, dit-il en ouvrant la porte. Tu ne peux pas manquer ça. Les dirigeants du monde, les plus grandes célébrités, le gratin des sommités intellectuelles ... Tous viendraient prêter allégeance à Jason Clare et à la suprématie parkiate aujourd'hui. Ethan n'était pas spécialement ravi à l'idée de voir l'ego de cet homme enfler d'avantage, mais il y avait quelque chose d'excitant à l'idée de se retrouver au centre d'un événement qui resterait dans l'histoire. Il aimait tant cette ville. – Emma ? Ethan s'approcha des fenêtres et tira les rideaux avec douceur. Un flot de lumière douce coula à travers les carreaux et se déversa dans la pièce, jusqu'à baigner le lit central et ses draps immaculés. Ethan cligna des yeux. Le lit était vide.

Nubiris - La Tour de la GloireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant