Nubiris - La Tour de la Gloire

Chapitre 5

- Brooklyn ? Brooklyn réveille-toi !    

    Brooklyn sentait la cendre. Dans ses cheveux, sur ses paupières, contre sa peau. Il sentait les mains de Quinn courir le long de son visage. Il sentait ses larmes couler et s'abattre sur son cadavre. Un bourdonnement sourd et continu meurtrissait ses oreilles comme le plus silencieux supplice de tous les temps. Tout n'était plus que souffrance.

    Brooklyn remua les doigts. Aussitôt, une douleur fulgurante se déploya dans ses veines comme un poison salvateur. Au prix d'un douloureux effort, il parvint à ouvrir les yeux. Le visage de Quinn, aussi trouble et confus que les derniers événements, lui apparut dans un halo lumineux. Peu à peu, les bruits de la rue reprirent leur droit et chassèrent le bourdonnement, à l'inverse de l'odeur de sang qui ne s'estompa pas.

- Oh mon Dieu, Brooklyn ...

    Le garçon se redressa, le crâne lourd comme une enclume. Il tourna la tête à gauche, puis à droite. Rien. La Place de la Gloire avait disparu. Un cercle noir et ténébreux fumait là où les entrepôts trônaient jadis. L'entrepôt 7 ... Envolé. Le laboratoire ...

    Le laboratoire ! Mais que s'était-il passé ? Brooklyn essaya de se remémorer les derniers épisodes, mais ses souvenirs étaient confus.

    Il voyait la douleur. Il voyait les brûlures et l'incompréhension. Ses propres blessures. Des portes de métal qui s'ouvraient. Brooklyn ferma les yeux. Ses paupières se plissèrent. Ses muscles se raidirent. L'ombre. Il voyait des ombres. Puis du noir – un noir plus intense encore que la plus pure des obsidiennes. Enfin, le néant.

    Quinn lui pressa l'épaule en essayant de retenir ses larmes.

- Tu es vivant. Brooklyn tu es    vivant !

- Je ... ne ...

    Chaque syllabe lui arrachait une grimace de douleur.

- Brook, regarde moi.

    Quinn l'attrapa par les épaules et le regarda droit dans les yeux. Son regard continuait de briller, mais on voyait qu'une nouvelle peur était entrain des'insinuer sous ses traits.

- Nous devons partir.    Maintenant.

- Mais ...

    La vision de Brooklyn se brouilla un court instant ; mieux valait éviter de parler.

- N'essaye pas de parler. (Quinn    lui caressa doucement la joue. Sa lèvre inférieure tremblait.)    Quand tu es tombé, j'ai appelé les secours. Et ils sont en route.    Lorsqu'ils découvriront que tu es pratiquement indemne et que    l'entrepôt de ton père a explosé, ils se poseront des tas de    questions – le genre de questions que tu ne veux pas que l'on se    pose à ton sujet.

    Brooklyn essaya de protester mais l'expression de son amie était si grave qu'aucun mot ne parvint à sortir de sa bouche.

- Calme-toi. Tout va bien se    passer. On doit juste se dépêcher. D'accord ?    

    Le garçon acquiesça lentement.

- Très bien. Allez, prends mon    bras.

    Quinn l'aida à se relever. Ses jambes chancelantes peinaient à le porter, mais la véritable épreuve débuta lorsqu'ils commencèrent à marcher. Chaque pas arrachait à Brooklyn un gémissement rauque, comme si le souffre avait remplacé le sang dans ses veines.

- Où va t-on ? demanda    t-il, déjà essoufflé.

    Quinn ne répondit pas tout de suite, visiblement dépassée par l'ampleur des événements.