Chapitre 10

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Après une nuit de cogitation, de questions sans réponse et d'appels manqués, le réveil du vendredi matin fut accueilli avec quelques difficultés. Les yeux collés et la bouche sèche, Brooklyn parvint tout de même à se lever avant le soleil pour avoir le privilège de piller la cuisine avant Quinn. Après tout ce qu'elle avait englouti ces derniers temps, l'heure de la contre-attaque avait sonné ! Avec un soin tout particulier, le garçon s'évertua à choisir son déjeuner parmi les mets que son amie affectionnait le plus. Ce n'était peut-être pas la meilleure chose à faire au vue des épreuves qu'elle traversait en ce moment, mais ne dit-on pas que les voies de la fourberie sont impénétrables ?

Leur discussion de la veille avait été des plus tendues. Brooklyn n'avait pas osé parler des monstres, trop occupés qu'ils étaient à chercher une solution aux mœurs de la dynastie Clare. Bien sûr, la maison que Quinn allait se voir offrir avait tout du rêve : l'autonomie, le confort, la vie dans un des quartiers les plus prisés de Comics Park, l'affranchissement pour Brooklyn et Julie ... Mais c'était un cadeau empoisonné. Accepter ce dernier revenait à se prosterner devant Monsieur Clare. Or, Quinn préférerait mourir plutôt que de se mettre à genoux devant son père.

En sa qualité de meilleur ami et de souffre douleur attitré, Brooklyn avait essayé d'apporter une lumière nouvelle aux débats explicites que se livrait Quinn :

« Ouais, c'est sûr. »

« Tu as raison. »

« J'aurais pas fait çamais si c'est ton choix. »

« Fais ce que te dit toncœur de rousse. »

Étrangement, la jeune fille n'avait pas trouvé ça très constructif, et même après trois heures de débat, aucune solution ne leur était apparue. Sur la promesse de Brooklyn d'accompagner Quinn au rendez-vous que lui avait donné son père, ils s'étaient finalement endormis.

Brooklyn redoutait tout particulièrement cette journée. C'était aujourd'hui qu'il retournait en cours après trois jours d'exclusion, aujourd'hui donc qu'il devrait supporter les remarques acerbes de BDB, le regard des autres élèves, la déception de Madame Collet. Il avait aussi peur de retrouver Ethan. Il n'avait pas eu de nouvelles du garçon depuis qu'il avait quitté la maison des Luddington, lundi dernier. Que lui avait dit Emma ? Rien que d'y penser, Brooklyn sentait ses tripes se contracter ...

Le blond remonta à l'étage et s'enferma dans la salle de bain. Julie commençait à peine à remuer dans son lit quand il tourna le bouton de la douche. Brooklyn ne mit pas longtemps à se laver. Il usa volontairement d'eau fraîche pour pouvoir se calmer et mettre de l'ordre dans ses idées. Au bout de cinq minutes, il sortit, une serviette autour de la taille, et se posta devant le miroir.

Brooklyn inspira une grande bouffée d'air. Il plissa les paupières. De douloureuses images lui revinrent presque immédiatement par coups saccadés.

Les créatures. L'attaque. La barrière protectrice.

Il avait passé une nuit blanche à réfléchir à toute cette folie, à nier que c'était bel et bien lui qui avait fait ça. Mais il fallait se rendre à l'évidence : c'était faux.

Nubiris. Nubiris. Nubiris.

Depuis des jours, ce mot cognait contre le subconscient de Brooklyn, comme le remous des vagues contre la coque d'un bateau. Il était sûr de l'avoir déjà entendu quelque part, mais où ? En cours ? À la télévision ? Là était le problème : il l'ignorait.

Brooklyn se concentra sur la vision qu'il avait gardée de la barrière – une sorte de dôme noirâtre et instable, couvert d'une substance membraneuse. Son pouls s'emballa. Les veines de son avant-bras jaillirent de leur sentier sinueux comme des cobras prêts à mordre. Pendant un long moment, il ne se passa rien. Il ne savait pas ce qu'il faisait, pas ce qu'il cherchait, mais il sentait lentement la chaleur poindre dans son sang. Une odeur de brûlé s'insinua dans les airs. Sous les yeux ébahis de Brooklyn, de minuscules étincelles mauves se mirent alors à fuser de ses doigts crispés. Incrédule, le garçon serra un peu plus le poing. Le fond de sa paume se colora de noir – elle avait l'air de pourrir en vitesse accélérée. Il s'apprêtait à ...Quelque chose allait ...

Nubiris - La Tour de la GloireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant