Vues du ciel, les routes étincelaient comme une toile d'araignée marquée par la pluie. Les lumières, semblables à de minuscules joyaux, dessinaient une constellation contre les bâtiments d'onyx et leur lueur ne cessait de s'affaiblir pour mieux se relancer, comme tenue de suivre la cadence d'une mélodie inaudible. Brooklyn lança un jet de plasma droit devant lui et se laissa glisser jusqu'au balcon le plus proche. Les molécules d'air qui cinglaient contre sa peau lui arrachèrent un gémissement de plaisir. Chaque cellule de son corps était engourdie par l'excitation. Brooklyn pouvait entendre la mélodie. Comics Park lui hurlait dans les oreilles.
Le garçon se dressa en haut d'un building et se jeta dans le vide. Il regarda les lueurs et les visages se confondre à travers les fenêtres, vite dissous dans la nuit comme une ombre supplémentaire. Au cours des derniers soirs, Brooklyn avait perfectionné le silence de ses mouvements, développé la transparence de son existence. Le résultat en était probant. Il n'était plus qu'une nuance sur un monochrome noir, une vague invisible dans un océan incolore. Brooklyn ne faisait plus qu'un avec la ville. Elle l'aidait à se mouvoir sans être vu et semblait s'accommoder à ses besoins. C'était comme si Comics Park voulait qu'il la défende.
Brooklyn se laissa choir doucement sur la route dans un tintement de verre. Il tendit l'oreille et attendit. Un râle guttural s'éleva sur la gauche, la gauche, à quelques pâtés de maisons plus loin. C'était faible, mais il l'avait senti. Il l'avait senti. Le garçon se projeta en l'air et disparut dans les ténèbres. L'espace-temps se courba sous l'essence de ses membres– il cessa de s'écouler ; son flot redoubla d'intensité. Plus rien n'avait de sens. Dans un craquement sourd, le sol se redessina sous ses pieds et il dégaina son arme. Il y eut un nouveau tintement. L'essence de la créature disparut dans la lame du poignard. Son corps se volatilisa.
- Bien joué, Nubiris.
Brooklyn attendit que la lame de sa dague tourne au noir absolu pour se retourner. Il n'avait pas entendu bouger la nuit. Une paire d'yeux fantomatiques l'observait derrière de gros verres violets. La petite couronne opaline, semblable à des lauriers d'argent, reflétait l'obscurité et son buste de kevlar semblait avoir été forgé directement dans les ténèbres. La Fille de la Nuit, les bras croisés, se tenait immobile au sein de sa génitrice. Les doigts de Brooklyn s'enroulèrent autour du manche de son poignard. Bien que le monstre ait déjà été absorbé, il sentait encore une électricité hostile animer l'air.
- Je t'ai vu planer entre les immeubles, dit-elle en se rapprochant. Tu as l'air de bien t'amuser, ici.
Une once de reproche baignait sa voix. Brooklyn manqua de lui répondre, puis il se rappela qu'elle le croyait aphone. Il ne lui faisait pas encore assez confiance pour la détromper.
- Mais je vois aussi que tu t'acquittes de ta tâche avec attention. Félicitations, le premier poignard est complètement rempli.
Sa main gantée se leva et en un éclair, elle ôta l'arme de l'étau du garçon. Le blond ne pensa même pas à protester – une nouvelle fois, il sentait que quelque chose d'important allait lui être révélé.
- Grâce à nos forces combinées, le nombre de tes congénères a fortement diminué. L'énergie accumulée par les poignards commence à devenir importante. Tu dois continuer à emprisonner leur essence si tu veux rentrer chez toi.
La Fille de la Nuit glissa la dague dans une des nombreuses poches qui striaient son armure et se plaça dos à Brooklyn. Ses bottes de cuir luisaient d'un éclat poisseux. Le garçon se fit la réflexion que cette nuit avait dû être synonyme de chasse, pour elle aussi.
- Même si le nombre d'agresseurs diminue, les attaques sont de plus en plus fréquentes. Des gens sont agressés chaque jour. Beaucoup meurent. À ton avis, combien de temps faudra t-il à nos autorités pour découvrir l'origine de tout ce chaos ? Une guerre des mondes se profile à l'horizon, Nubiris. C'est ton devoir de l'empêcher.
VOUS LISEZ
Nubiris - La Tour de la Gloire
ParanormalLa fin de l'été tombe sur la métropole fictive de Comics Park, et avec elle, une bien curieuse nouvelle : Alex Heigl, le célèbre scientifique, ange déchu haï par toute la ville, vient de se donner la mort. Même Brooklyn, son unique fils, semble sing...