Chapitre 22

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L'homme parlait vite, par mots-clefs. Monsieur Clare en comprenait quelques-uns. Pas tous. Mais il savait que quelque chose se tramait là-bas. Les gens paniquaient, les gens voyaient des choses. Des choses effrayantes. La rumeur comme quoi il était entrain de prendre les choses en main enflait lentement. Des murmures se faisaient déjà entendre. Parviendront-ils à se faire plus fort que les cris de panique ?

- Merci, Alb, le coupa Clare d'une voix sobre. Je te recontacterai plus tard.

L'indic n'ajouta rien de plus et raccrocha. Jason joignit les mains. Tout se déroulait comme prévu. Il avait fait le tour de tous ses hommes demains pour la soirée. Les nouvelles de ce soir se ressemblaient beaucoup, mais ce n'était pas un problème. Elles étaient encourageantes pour la suite du plan. Le peuple parksiate réagissait selon ses attentes. Il adorait cette ville.

Monsieur Clare tourna son fauteuil et adressa un sourire chaleureux à son invité.

- Chef Banert, dit-il avec onctuosité, je m'excuse de vous avoir fait attendre si longtemps. Voudriez-vous une tasse de thé, un café ?

Le Chef de la Police Sud déclina la proposition d'un geste de la main. Il était toujours en tenue de fonction : un costume bon marché,bleu nuit, bariolé de médailles aux couleurs criardes et au métal flinguant. Droit comme un I sur son fauteuil, il avait le visage fermé et la peau légèrement écarlate. Clare savait qu'il n'était pas heureux d'être là. Mais au-delà de l'agacement, l'homme-d'affaire savait aussi que son invité luttait contre la peur.

- Je tiens à dire que je suis contre vos méthodes.

Jason fit de son mieux pour cacher son sourire.

- Ah oui ?

Sa voix était forte et mesurée mais ses yeux baignaient dans la panique. Clare en avait rencontré des tas dans son genre. Pas de mauvaises personnes, des gens ordinaires. Le système et sa profession lui avaient permis d'obtenir une autorité feinte, artificielle, dans laquelle il avait fini par se complaire. Il n'était pas habitué à se faire marcher sur les pieds ; il n'aimait pas ça, car ça lui rappelait les jeunes années où il n'était pas encore protégé par l'illusion du badge. Ces gens-là étaient les plus faciles à manipuler. Même si leur fierté dessinait une rempart impressionnante autour de leur esprit, elle n'était pas difficile à percer pour ceux qui savaient s'y prendre. Clare savait s'y prendre. Il n'avait jamais eu besoin de badge pour avoir de l'autorité, n'avait jamais eu besoin de rien pour avoir du pouvoir. Il était son propre pouvoir.

- Oui, répondit le Chef Banert avec une fermeté inutile. Je ne pense pas que vous ayez le droit de faire ça et je suis révolté que l'on me somme à y participer.


- Alors pourquoi êtes-vous là ?


- On m'y a obligé ! s'écria le policier, à nouveau porté par une fougue non nécessaire. C'était soit coopérer soit prendre la porte !


- Et votre travail compte plus que vos convictions ?

L'accalmie de Clare parut le déconcerter.

- C'est à dire que ...


- Intéressant.

Banert lui lança un regard dépourvu de la moindre émotion. Puis, apparemment conscient de sa première erreur, il bondit furieusement de sa chaise et pointa un poing menaçant en direction de son hôte.

- J'ai entendu parler de vous ! cracha t-il en même temps que quelques postillons.


- J'en suis certain.

Nubiris - La Tour de la GloireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant