Chapitre 25

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Bien que les mots ce furent instantanément gravés contre les parois de son esprit, Quinn jugea bon de relire l'email une sixième fois.

Chère Quinn,

Nos précédentes correspondances m'ont beaucoup fait réfléchir. Évidemment, je n'ai pas eu besoin d'elles pour me rendre compte que tu me manquais, mais elles m'ont aidé à accepter l'idée que ce n'était ni de la bêtise, ni une faiblesse.

J'aimerais qu'on se voit à nouveau, ma fille, et que l'on discute posément des éléments qui ont conduit à la situation actuelle. Malgré tout ce qui nous sépare, tu restes mon enfant, et ma seule et unique famille.

Dans cette optique, j'aimerais que tu m'envoies les coordonnées d'un café quelconque où j'essayerai de te retrouver, à l'heure et à la date qui te conviendront. Évitons les endroits trop fréquentés pour des raisons évidentes.

À bientôt, j'espère.

Jason Clare.

Il l'avait appelée Quinn. Il l'avait désignée comme « sa fille ». Et il avait dit qu'elle lui manquait. La vision de la rousse se brouilla de larmes alors qu'elle entamait sa septième relecture. Jamais elle n'avait ressenti quelque chose d'aussi cru et primitif. Son père l'aimait. Il l'aimait ! Au vue du prénom dont il l'avait affublée, elle en avait toujours douté, mais ces pixels débordantes de remords hurlaient le contraire !

Quinn contempla les pixels avec une affection singulière. Les pixels avaient des pouvoirs.


Brooklyn se tenait immobile devant le grand portail vert, son parapluie déployé au-dessus de la tête. Une expression de franc mépris sur le visage, il adressait aux étudiants qui le fixaient avec curiosité ses injonctions les plus corrosives.

6 Oui ! hurla t-il à un petit groupe dont les capuches dressées recouvraient les visages. C'est bien moi, Brooklyn « Le Cinglé » Heigl, venu étudier le campus de votre université afin de trouver le meilleur moyen de le faire sauter !

La petite assemblée se dissipait en poussant des cris de terreur lorsque Quinn arriva enfin. La jeune fille rayonnait. Un sourire éclatant étirait ses traits lorsqu'elle leva son majeur à de nouveaux curieux et jamais sa chevelure rouge n'avait flamboyé avec autant d'ardeur.

- Comme d'habitude, hein ? dit-elle en l'étrennant brièvement.

- Les abrutis sont si simples à effrayer.

D'un même pas, ils pénétrèrent dans l'enceinte de l'université. Le campus était gigantesque, merveilleusement bien fleuri et verdoyant, bien que déserté à cause des intempéries. Une multitude de panneaux multicolores se dressait à travers les pelouses et les sentiers de terre ne semblaient pas tenus d'obéir aux lois de la géométrie. Devant eux, masquant l'horizon, se dressait une gigantesque battisse en briques rouges. Chacune de ses fenêtres diffusait une lueur éclatante dans la grisaille ambiante et ses murs donnaient presque l'impression de trembler. Sur sa devanture, en lettres dorées, était inscrit « Maison-Mère ». Brooklyn ne préférait pas imaginer à quoi ressemblaient les amphithéâtres ...

- J'ai rendez-vous avec un certain ... ah, ça doit être lui.

Quinn tendit la main à un homme d'âge mur qui caracolait dans leur direction. Il avait le crâne chauve et le ventre légèrement bedonnant, et une expression de totale admiration flottait sur son visage pataud.

- Mary-Theresa Clare ! s'écria t-il. Quel honneur, quel honneur ! Mahdi Karoum, directeur du bureau des admissions de l'Université de Comics Park, c'est un véritable honneur de vous rencontrer !

Nubiris - La Tour de la GloireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant