Nous débouchons dans une verrière avec vue sur la ville. C'est tout simplement époustouflant : la campagne, les maisons, la forêt, la rivière qui brille au loin, tout est à couper le souffle. Je n'arrive pas à choisir si je préfère le paysage de jour ou de nuit.
De forme circulaire, la verrière offre un passage aux rayons de soleil, réchauffant l'espace. Une table et quelques chaises trônent au centre de la pièce, et de nombreuses plantes et rosiers blancs traînent sur des meubles en marbre. Des canapés se coincent sur les murs par endroits, recouverts d'impressionnantes fourrures de ce que je devine d'ours. Il n'y a pas de cheminée, pas de lampes, pas de bougies, simplement le soleil qui vient frapper avec douceur l'intérieur de l'habitacle.
Une domestique est en train de passer le balai avec discrétion. Le roi lui demande d'apporter du thé et des mets légers et elle s'exécute immédiatement sans un mot. Cette vie est tellement différente de celle que j'ai vécue... Je n'y suis toujours pas habituée, et je ne sais pas si je le serai un jour. Il suffit de demander quelque chose, et hop ! On l'obtient. Avant, je n'aurais jamais songé à infuser du thé, tout simplement parce que c'est beaucoup trop cher et que cela ne nourrit pas. À dépenser de l'argent, je préfère le dépenser dans du pain ou du grain.
Je reviens à l'instant présent en secouant la tête. Je devrais arrêter de songer à mon passé. Ma vie a changé du tout au tout, tant par l'occupation du château que par la magie qui est apparue de façon inattendue. Nous nous asseyons tous sur les chaises et les bancs autour de la table et, à ma grande surprise, le prince s'assied à côté de moi, sans dire un mot, le regard toujours aussi glacial.
— Bien, nous serons beaucoup mieux ici, dit le roi.
Il ajuste son manteau en velours bleu et chasse une poussière posée dessus.
— Tu as dû le deviner, ta présence ici ne va pas seulement changer nos vies, mais celles de tous les habitants du royaume également.
Je hausse un sourcil pour exprimer mon incompréhension. Il soupire et s'explique :
— La magie a réapparu. Elle va revenir parmi nous. Elle va se matérialiser, mais pas seulement présente dans l'air comme le pollen à la belle saison, mais par des créatures, de nouvelles races mystiques.
Il nous jette un regard appuyé qui en dit long.
— C'est l'avenir du monde entier qui changera si la magie revient. Elle transformera notre mode de vie, elle modifiera tout. Côtoyer des chevaux et côtoyer des centaures ce n'est pas la même histoire. Le peuple aura certainement peur et, en tant que roi, je me dois de protéger mon royaume. C'est une lourde tâche que voilà de réintégrer la magie à notre société. C'est une mission risquée, mais inévitable.
J'essaye d'imaginer ce qui se passera lorsque le peuple saura que la magie existe et qu'elle s'impose doucement parmi nous. Comment les gens vont-ils réagir ? Seront-ils effrayés, seront-ils menaçants, où vont-ils accueillir ce monde comme autrefois ?
— Ce sera très difficile, soufflé-je.
— En effet. Je suis face à un problème particulièrement compliqué à résoudre. Mais, au final, la prophétie sera prononcée, et je ne pourrai rien y faire. Je dois trouver un moyen de calmer le peuple avant qu'il se révolte.
Nous sommes interrompus par la domestique qui se glisse entre nous pour poser un plateau en argent couvert de gâteaux, d'une théière et de tasses en porcelaine. Je regarde le goûter avec envie, me rendant compte que je suis affamée.
Le prince me surprend à nouveau en remplissant une tasse de thé chaud, puis en la posant devant moi. Je le fixe sans comprendre, essayant de lire à travers ses yeux noirs, mais il fuit mon regard. Pourquoi agit-il de la sorte ? Cet homme est un mystère pour moi. Je n'arrive pas à déchiffrer ses comportements. Il zigzague émotionnellement inexplicable, et je ne peux qu'en être spectatrice.
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Les Derniers Dragons
FantasyElle s'appelle Ciel. Elle est fille de paysans, pauvre, oubliée. Sa vie est simple, ennuyeuse comme un ruisseau à sec. Elle n'aspire à rien - elle se contente d'exister et d'aider son vieux père à la ferme. Pourtant, ce soir-là, des gardes du palais...