Ma mère et Yanos ont accouru dès qu'ils m'ont aperçue. Ce dernier a pris le prince sur ses épaules sans poser de questions, le regard sombre et fermé. Ma mère a murmuré un nombre interminable de fois « Oh mon dieu... Oh mon dieu... » en examinant les coupures le long du corps du prince.
Je me sens mal de savoir que c'est ma faute s'il est dans cet état. Si je ne m'étais pas enfuie, si je ne m'étais pas fourrée dans une situation pareille, il ne se serait jamais blessé pour me rejoindre et me ramener à la raison.
Mon père est toujours devant la maison, hochant négativement la tête d'un air grave, tenant un grand tissu dans les bras. Je suis nue, moi aussi, et il s'empresse de m'aider à me rhabiller. Je tremble, mais impossible de savoir si c'est de froid, de gêne ou de peur.
Nous rentrons tous dans la maison dans un silence macabre, excepté ma mère qui continue de scander la même phrase. Yanos dépose délicatement le prince sur le lit de mes parents, le visage toujours aussi indéchiffrable. Je me précipite vers eux pour voir l'état d'Adrian, mais il me retient du bras. Je me retourne vers lui, l'interrogeant du regard.
— Laisse ta mère s'occuper de lui, dit-il d'un ton glacial qui me donne la chair de poule.
Il m'entraîne de force à l'extérieur, sans me laisser le loisir de me débattre.
— Lâche-moi ! Yanos, lâche-moi !
Il ignore mes protestations et n'obéit qu'une fois que nous nous sommes légèrement éloignés de la chaumière.
Un silence s'installe durant lequel j'attends qu'il prenne la parole. Il veut me parler, je le sens.
— Je suis au courant pour toi et le prince, lâche-t-il finalement.
Je reste bouche bée. Comment... ?
— Il me l'a dit, s'explique-t-il, toujours aussi sec.
— Yanos...
— Tais-toi, crache-t-il. Ne dis rien. Je ne veux pas entendre ta voix.
Ses mots m'écorchent le cœur avec une violence inouïe. Je sais, je les mérite, après ce que j'ai fait, mais je ne pensais pas que ce serait aussi douloureux.
— J'ai encaissé la fois où tu m'as abandonné pour partir avec lui, dans le couloir devant la bibliothèque. J'ai encaissé quand j'ai appris que tu avais dormi avec lui. J'ai encaissé quand j'ai su la date de ma mise à mort, en partie par ta faute. Mais je peux plus, Ciel. Ça, je ne peux pas. J'en ai déjà supporté bien assez. Quand nous nous sommes embrassés, j'ai... j'ai...
Il se masse les tempes, l'air enragé et profondément triste. J'écoute sa tirade, les larmes aux coins des yeux, prenant sur moi pour ne pas éclater en sanglots.
— J'ai eu de l'espoir, reprend-il. J'ai pensé qu'enfin, ce que je ressentais était réciproque. Que tu avais des sentiments pour moi. Mais... je me suis trompé. Tu m'as trompé. Tu m'as mené en bateau, tu es allée te jeter dans les bras du prince dès que je me suis endormi, tu t'es enfuie dès que je suis apparu. On a paniqué, on t'a vue partir dans la forêt, seule, ne sachant pas comment te retrouver. Le prince nous a dit qu'il n'y avait pas de soucis, qu'il pouvait te retrouver sans problèmes. Quand je lui ai demandé comment, il m'a répondu que... que... vous entreteniez un lien très fort. Qui s'est renforcé à l'instant où tu l'as embrassé.
Il crie, gesticulant sans pouvoir se contrôler, le regard fou et le ton accusateur. Je me recroqueville sur moi-même, croulant sous la honte, la peine, le chagrin, la culpabilité.
— Pardonne-m..., essayé-je.
— TAIS-TOI ! crie-t-il, ce qui me fait sursauter de peur. Je ne veux pas entendre tes excuses ! Je n'étais qu'un essai pour toi, un amusement de lit ! Depuis le début c'était lui, ç'a toujours été lui... Tu as toujours menti... Tu n'es qu'une menteuse !
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Les Derniers Dragons
FantasyElle s'appelle Ciel. Elle est fille de paysans, pauvre, oubliée. Sa vie est simple, ennuyeuse comme un ruisseau à sec. Elle n'aspire à rien - elle se contente d'exister et d'aider son vieux père à la ferme. Pourtant, ce soir-là, des gardes du palais...