— HIIIIIIIIIII !
Le cri de Fantine me perce les tympans. Je grimace et jette un coup d'œil vers ma chambre, là où elle s'est éclipsée tandis que je prends mon bain.
— Est-ce que tout va bien ? je demande en fronçant les sourcils.
— Non ! J'ai un problème !
— Elle ne trouve pas mon collier en saphir, ou quoi ? grommelé-je dans ma barbe. C'est pas un vrai problème, ça...
Je pose mes mains sur le rebord de la baignoire et pousse de toutes mes forces pour en sortir. L'eau cascade sur ma peau, comme des milliers de larmes brillantes, et s'écoule dans un bruit de pluie. Mes cheveux, coupés à mes épaules, ruissellent aussi dans la courbe de mon dos.
— J'arrive, indiqué-je d'une voix forte. Un instant.
Je mets rapidement mon saut-de-lit, posé négligemment sur un tabouret, et traverse la salle de bains. Je laisse une trainée de gouttes derrière moi sur le plancher, mais n'y prête aucune attention.
— Qu'est-ce qui se...
Je m'interromps ; les mots se perdent sur ma langue. Mon cerveau cesse purement et simplement de fonctionner. Déni total. Mes pensées se perdent entre mon crâne et mes neurones, dans un espace vide, blanc et froid.
Est-ce que je suis en train d'halluciner ? Je pensais pourtant en avoir fini avec les visions !
— C... C'est arrivé d'un coup, je n'ai pas fait exprès..., gémit Fantine, tremblante comme une feuille.
Je ne sais absolument pas quoi dire. Ni comment réagir. C'est pourtant le genre de situation dont je devrais avoir l'habitude, mais... je crois que je ne m'y ferai jamais. Vieil instinct de fermière étriquée d'esprit, je suppose. J'ai le réflexe de rejeter avant d'essayer de comprendre.
— Je pense... que je vais appeler Julien, finis-je par balbutier en posant une main sur le mur pour me retenir.
— Faites vite, mademoiselle, s'il vous plaît...
— D... D'accord. J'y vais.
— Attendez ! me hèle-t-elle alors que je cours déjà vers les portes. Vous n'allez pas vous promener en saut-de-lit dans le château, quand même. Ce n'est pas convenable !
— D'ici ce soir, je serai reine. Alors si, je vais le faire.
Je ne lui laisse pas le temps de répliquer et m'engouffre dans les couloirs frais.
À bien y réfléchir, j'aurais peut-être dû écouter mon amie au lieu de faire ma tête de mule ; le château est incroyablement froid, ces derniers jours. L'automne est arrivé avec une brusquerie rare, apportant des vents glacials à n'en plus en finir. Comme si la nature avait retenu la belle saison jusqu'à la prophétie, puis qu'elle s'était libérée de tout le poids de ses saisons. Fini, les robes d'été – lorsque les arbres se déshabillent de leurs feuilles, les hommes s'emmitouflent de vêtements. Un paradoxe qui me ferait sourire si je ne me gelais pas autant, trempée et peu habillée dans les couloirs de pierre.
Je croise beaucoup de gardes, et pas un ne manque de me proposer son aide ; je refuse à chaque fois. Je suis un dragon, mince, je ne peux pas attraper froid ! Ou du moins, je peux essayer de le prétendre, jusqu'à ce que je tombe réellement malade et finisse clouée au lit en période difficile.
La gêne embrase mes joues lorsque je croise Yanos, marchant d'un pas décidé, son épée à sa ceinture. Depuis cette nuit de pleine lune, les choses sont différentes avec lui. Il est devenu très distant avec tout le monde, et passe presque tout son temps dehors, qu'il vente ou qu'il pleuve. Peut-être est-ce son nouveau statut d'Alpha. Ou peut-être est-ce à cause de sa rupture avec Milène.
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Les Derniers Dragons
FantasyElle s'appelle Ciel. Elle est fille de paysans, pauvre, oubliée. Sa vie est simple, ennuyeuse comme un ruisseau à sec. Elle n'aspire à rien - elle se contente d'exister et d'aider son vieux père à la ferme. Pourtant, ce soir-là, des gardes du palais...