Lorsque j'arrive aux écuries, Adrian est déjà là, en train de seller un immense cheval noir comme l'ébène, dos à moi. L'odeur du foin, du cheval et du crottin me monte aux narines, ce qui me rappelle ma jument Nuage.
L'endroit n'est pas complètement propre, mais on sent qu'il est tout de même entretenu et soigné. Les bassines d'eau sont claires, les bottes de paille sont rangées au fond, sans bloquer l'accès à la porte de derrière. Des bruits de mastication et de soufflements s'élèvent entre les grilles des box le long de l'allée en pierre.
Je m'approche doucement d'Adrian, sans bruit, et glisse mes bras autour de sa taille pour me coller à lui.
— Qu'est-ce que... Oh, Ciel, c'est toi, se radoucit-il. Tu m'as fait peur.
— Prêt pour la Russie ?
— Et toi ?
— On n'a pas vraiment le choix. Alors je vais prétendre être prête à quitter de nouveau un endroit que je considère comme mon foyer, pour aller dans à une destination inconnue sans aucune information pour nous guider.
Mon prince se retourne face à moi et enroule à son tour ses mains derrière moi pour me serrer contre lui.
— On va y arriver, mon ange.
Je me sens fondre à l'entente de ce surnom. J'enfouis ma tête dans son cou, submergée par sa délicate odeur épicée, blottie sur son torse musclé, songeant que je pourrais rester ainsi des heures entières, voire des jours. Toute la vie, même.
— Yanos arrive, avertit-il en s'éloignant de moi, m'arrachant à sa chaleur réconfortante.
— Salut les dragons ! plaisante le concerné en sifflotant, de bonne humeur. Milène n'est pas encore arrivée ?
— Salut, général, rigolé-je. Non, il n'y a que nous trois.
— J'aime bien le trio qu'on forme, déclare-t-il avec entrain.
— Le trio ? C'est une blague ? Ne croit pas que je t'inclus dans mon cercle d'amis, crache Adrian.
Malgré son ton empli d'animosité, je sens bien qu'il ne pense pas entièrement ce qu'il dit. Je discerne un sourire réprimé sous son air faussement dégoûté.
— Allez, votre altesse, on a dépassé le stade des chamailleries, non ? On va voyager en étroite collaboration pendant de longues semaines, il va falloir arrêter de se taper dessus.
Ma mâchoire se décroche toute seule aux paroles de Yanos. Ai-je bien entendu ? Vient-il vraiment d'enterrer la hache de guerre ? Quelle évolution !
— La voilà, remarque Adrian en fixant un point derrière l'épaule de Yanos.
Ce dernier se retourne immédiatement, son impérissable sourire fendant ses lèvres. Ses yeux se mettent à pétiller de joie quand il découvre mon amie blonde marcher tranquillement vers nous, vêtue d'une longue robe de voyage bleue et d'une cape noire en velours.
— Bonjour mademoiselle, salue le brun en s'inclinant poliment.
— Bonjour, euh... Yonas ? risque-t-elle.
— Yanos. Yanos Brussel. Ce n'est pas grave.
Il décoche un sourire charmeur qui me fait rire intérieurement. Je sens bien que Milène ne laisse pas le jeune homme indifférent, et ça me rend heureuse pour lui. Peut-être oubliera-t-il un peu l'affection qu'il a pour moi, atténuant mon sentiment de culpabilité à chaque fois que les battements de mon cœur s'accélèrent pour Adrian.
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Les Derniers Dragons
FantasyElle s'appelle Ciel. Elle est fille de paysans, pauvre, oubliée. Sa vie est simple, ennuyeuse comme un ruisseau à sec. Elle n'aspire à rien - elle se contente d'exister et d'aider son vieux père à la ferme. Pourtant, ce soir-là, des gardes du palais...