Après avoir pris mon agresseur sur ses épaules et ordonné à une domestique de me rhabiller en vitesse, Yanos m'a intimé de le suivre. Nous avons évité au maximum de croiser des bourgeois ou des ducs, ne voulant pas attirer l'attention. Nous sommes finalement arrivés dans une salle dans laquelle je n'ai jamais mis les pieds, où se trouve une immense table en bois, entourée de chaises. Le roi, Adrian et un inconnu y sont assis, et relèvent la tête avec étonnement lorsque nous rentrons.
— Qu'est-ce que... que..., bégaye le roi.
Sans un mot, mon garde allonge son fardeau sur la table sans aucune précaution. Je m'approche, honteuse, consciente que c'est ma faute.
Ma faute... Mais qu'ai-je fait, en réalité ? Je me suis défendue, et je ne l'ai pas tué, contrairement à ce que lui prévoyait. Ici, sous les lumières des nombreuses chandelles, je peux voir précisément son visage.
— Jake ! crie l'inconnu en se levant.
Paré de fourrures et d'un costume brodé, j'en déduis qu'il est certainement le roi invité.
— Que ce passe-t-il ? me demande Adrian, incrédule.
— Il... il m'a agressée, il a essayé de me tuer..., hoqueté-je.
— Quoi ? crie mon prince, s'approchant à grandes enjambées de nous.
Les trois hommes se regroupent rapidement face au corps inanimé mais vivant du certain Jake.
— Il a... quoi ? répète l'inconnu avec un accent que je n'avais pas remarqué.
— Il m'a plaquée contre un mur et... Et m'a menacée avec un couteau. Il a dit... Il a dit...
Je jette un coup d'œil effrayé à Adrian, mais je dois leur dire, sinon ils ne me croiront pas.
— Il a dit que c'était pour se venger du prince, pour qu'il comprenne ce que ça fait de retrouver celle qu'il aime morte.
Tous retiennent leur respiration. Je suis traversée par tellement d'émotions contradictoires que je n'arrive pas à les identifier. L'une d'elle se démarque tout de même : la peur. J'ai peur, tellement peur de ce qui va m'arriver, et je suis sous le choc.
Je croise le regard de Yanos, cherchant du réconfort dans ses yeux verts bienveillants. Il m'a manqué, et avec les évènements, je n'ai même pas pu lui faire des retrouvailles dignes de ce nom.
Tu les as eues avec Adrian, susurre une voix dans ma tête.
Yanos attrape discrètement ma main et la serre. Je me rattrape à ce contact, puisant dans mes forces pour ne pas flancher.
— Comment ça ? Adrian ? questionne le roi étranger. C'est toi qui a... tué la femme de mon fils ?
C'est son fils ?
Adrian ne répond pas, le regard fermé. Je prie de toutes mes forces pour qu'il réponde, pour qu'il conteste, mais il reste silencieux. Quand je comprends la raison de son mutisme lourd, je ne peux m'empêcher de m'exclamer :
— Tu l'as tuée ? Adrian, dis-moi que ce n'est pas vrai. Tu n'es pas... un meurtrier ! Je t'en supplie, ce n'est pas toi...
Il fronce tristement les sourcils, mais ses lèvres restent obstinément fermées.
— Non... non..., soufflé-je en reculant à petits pas.
— Comment l'as-tu neutralisé ? me demande mon roi d'une voix où je peux sentir sa peine.
Je serre un peu plus fort la main de Yanos. Qu'est-ce que je peux bien dire, devant le souverain d'un autre royaume ? Est-il au courant de la magie ? Que pourrait-je bien inventer ?
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Les Derniers Dragons
FantasyElle s'appelle Ciel. Elle est fille de paysans, pauvre, oubliée. Sa vie est simple, ennuyeuse comme un ruisseau à sec. Elle n'aspire à rien - elle se contente d'exister et d'aider son vieux père à la ferme. Pourtant, ce soir-là, des gardes du palais...