Il met fin à notre baiser avec autant de soudaineté qu'il a commencé. Je reste immobile, tremblante, les yeux mi-clos. Je suis déchirée en deux, et je déteste ça. Je ne peux pas choisir ; j'en suis incapable, c'est impossible. Je ne peux même pas opposer de résistance au prince, mais je ne peux pas non plus ignorer Yanos. Cette prophétie est décidément mal fichue.
Il me serre doucement dans ses bras, et je pose mon front contre son épaule, submergée par son odeur réconfortante.
— Tu veux bien me réexpliquer tout ça depuis le début ? demande-t-il d'une voix étonnamment douce.
— Quoi ?
— Tout ce que tu viens de me dire. Pour être franc, je n'en ai pas compris la moitié.
Je me rends compte qu'en effet, Yanos n'est au courant de rien concernant qui je suis – ou plutôt, qui je suis censée être. Sara, la légende, la prophétie, la cavité du couloir, l'âme sœur, les dragons, je ne lui en ai jamais parlé, parce que Julien me l'avait interdit.
Je me lance donc dans le récit des quelques jours éprouvants passés au château. Je lui détaille tout, sans omettre quoi que ce soit, également à propos d'Adrian. J'estime que maintenant, il a le droit de savoir la vérité, toute la vérité.
Il m'écoute sans intervenir, jusqu'au bout. Une fois que j'ai fini, il reste sans bouger quelques minutes, et j'ai l'impression qu'il n'a rien entendu de ce que j'ai dit.
— Yanos ?
— Tu sais, quand on a vu un énorme oiseau blanc surgir dans le ciel, j'ai tout de suite compris que ce n'était pas un oiseau. Mais je ne pensais pas... je ne pensais pas que c'était toi. Les contes ne parlent pas de cet aspect de l'élue, seulement du fait qu'elle sera puissante et qu'elle changera le monde.
— Je ne sais toujours pas comment je vais me débrouiller pour ça. Changer le monde... J'ai l'air d'être prête à faire ça ?
Il se recule tout en me gardant dans ses bras et me détaille scrupuleusement. Son air est très sérieux quand il répond :
— Oui.
•⚔︎•
Après mes insistances, Yanos a cédé pour que nous retournions voir l'état d'Adrian. J'espère que ses blessures ne sont que superficielles, même si certaines semblaient assez douloureuses.
— Papa ? Maman ? j'appelle en rentrant.
Je les aperçois tous les deux près du lit où repose le prince. Je m'approche d'un pas hésitant, le regard accusateur de mon père me fait peur.
— Il te réclame depuis son réveil, m'informe ma mère. Il a refusé de se faire soigner par quelqu'un d'autre que toi.
Cette fois je me poste devant le blessé rapidement. Comment ça, il veut quelle le soigne ? Je suis dragon, pas docteur. Je ne peux rien faire pour lui !
— Adrian ? demandé-je.
L'intéressé ouvre les paupières et plonge ses iris noirs dans les miens.
— Ciel, dit-il avec un faible sourire.
Je m'assois près de lui et prends doucement sa main. Je sens le regard insistant de Yanos sur mon dos, il surveille mes gestes. Quel jaloux...
J'effleure le front d'Adrian pour prendre sa température. Il est brûlant, et couvert de sueur. Il a une coupure le long de la joue, qui érafle sa lèvre supérieure.
—Comment tu te sens ? questionné-je.
— Mal.
— Je ne peux pas te soigner, tu sais. Ma mère le ferait bien mieux que moi.
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Les Derniers Dragons
FantasyElle s'appelle Ciel. Elle est fille de paysans, pauvre, oubliée. Sa vie est simple, ennuyeuse comme un ruisseau à sec. Elle n'aspire à rien - elle se contente d'exister et d'aider son vieux père à la ferme. Pourtant, ce soir-là, des gardes du palais...