Je sens mon visage perdre lentement ses couleurs. Des ailes ? Des ailes blanches ? Dans mon dos... Pour de vrai ?
— Adrian ?
— C'est... J'aimerais dire que c'est normal, ça fait partie du processus de métamorphose, mais... Je ne comprends pas pourquoi maintenant...
J'avale ma salive, la gorge aussi sèche et râpeuse que du papier de verre.
— J'étais en train de penser que j'étais un dragon, et puis... La magie...
J'essaye à nouveau de bouger mon dos, et mes ailes frémissent immédiatement. C'est tellement étrange, tellement absurde, que je cligne plusieurs fois des yeux, priant pour que toutes ces plumes blanches disparaissent soudainement.
— Adrian ? Ciel ? appelle la voix de Julien derrière nous, nous faisant sursauter l'un et l'autre.
Nous nous retournons, et je peux le voir blêmir lorsqu'il m'aperçoit. Je me racle la gorge, partagée entre la gêne et la peur.
— Ciel ! Comment as-tu fait ?
Le mage s'avance rapidement vers moi et commence à tripoter mes ailes, l'air d'un gosse à qui on vient de donner son jouet préféré.
— C'est incroyable ! Extraordinaire ! Nous avons franchi un nouveau cap. Tu penses que tu arrives à voler ? Oh, après tout, on peut tout faire avec la magie. Tu as utilisé une méthode particulière ? Et...
— Julien ! m'exclamé-je en reculant mes nouveaux membres. C'est un accident.
— Un accident ?
Je me masse les tempes en réprimant un soupir. J'aimerais tant arriver à lui expliquer ce que je ressens, mais moi-même je ne le sais pas.
— Je n'ai pas fait exprès, me forcé-je à répondre, ma voix me donnant l'impression d'écorcher mes joues.
— Je ne comprends pas, comment as-tu pu...
— Moi non plus je ne comprends pas, d'accord ?
Un silence s'installe, durant lequel je m'efforce de me calmer. La colère, quoique tentante, n'aidera en rien.
— Ça faisait mal, avoué-je. Les ailes. Comme si elles avaient transpercé ma peau pour pouvoir... apparaître.
Je ne peux pas me résigner à dire pousser. J'espère que ce n'est qu'éphémère, comme les griffes, et qu'elles disparaîtront quand la magie se sera calmée. En attendant, cette dernière continue de s'agiter gaiement autour de moi, s'enroulant et vibrant comme une brise chaude. Sa présence est à la fois apaisante et inquiétante. Pourquoi se manifeste-t-elle autant avec moi ? Qu'ai-je de différent ?
La prophétie.
Je crois entendre une voix me répondre, mais j'en doute fortement, comme si les paroles avaient été emportées par du vent. Je ferme les yeux un instant, tentant de reprendre mes esprits, et d'apaiser ce tourbillon agité dans mes cheveux. Je me concentre sur ce sentiment de liberté qui m'envahit, essayant de le taire par mes pensées.
Magie, s'il te plaît, fait partir ces ailes.
Aussitôt, la rafale cesse, et mon dos me paraît plus léger. Mes sens régressent, jusqu'à revenir à la normale. Pas de douleurs, pas de brûlures, juste cette perception qui s'étouffe peu à peu. Je bouge mes épaules qui me tiraillent, et ouf ! plus rien. La magie est partie, emportant les ailes et les plumes avec elle.
Soudain, je me sens prise d'une grande fatigue. Je tremble, éreintée, mes jambes peinent à supporter mon poids. Mes paupières papillonnent, lourdes, et m'obscurcissent la vue. Je vois le sol flou se rapprocher de mon visage, tandis que mes muscles ne répondent plus. Mon cerveau semble m'avoir fui, puis plus rien. Le trou noir.
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Les Derniers Dragons
FantasyElle s'appelle Ciel. Elle est fille de paysans, pauvre, oubliée. Sa vie est simple, ennuyeuse comme un ruisseau à sec. Elle n'aspire à rien - elle se contente d'exister et d'aider son vieux père à la ferme. Pourtant, ce soir-là, des gardes du palais...