26. Au revoir, papa

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L'expression de mon père est toujours aussi indéchiffrable, contrairement à ma mère et Yanos qui me sourient.

Je laisse la magie s'évaporer de mon corps, la remerciant intérieurement. Elle s'en va comme sous l'effet d'une brise, chastement, doucement.

— On devrait rentrer au château, propose Yanos d'un ton hésitant. Maintenant.

Toute ma bonne humeur s'écroule subitement. Rentrer au château ? Partir de chez moi ? Encore ?

En ai-je seulement la force ?

Il a raison, cette escapade n'était faite que pour être courte, et je le savais. Alors pourquoi est-ce que ça me chagrine autant ?

Je crois que j'ai eu l'espoir, le tout petit espoir, de réunir ma famille pour toujours. De retrouver ma vie calme d'avant, d'oublier tous les problèmes contre lesquels je fais face chaque jour. De rentrer à la maison.

Je me laisse tomber assise sur le lit où est allongé Adrian. Je sens mon visage devenir livide, sûrement à cause du choc que de se rendre compte que je vais de nouveau être arrachée à mon foyer.

— Ciel... ? Ça va ? s'inquiète Adrian en serrant ma main.

— Je ne suis pas prête à partir, dis-je dans un souffle.

Il me regarde avec compassion, mais aussi avec... désolation.

— Il faut que je rentre, avoue-t-il. Avec mon état, je dois rester tranquille, et je ne peux pas monopoliser la maison de tes parents.

La maison de tes parents. Pas ma maison, mais celle de ma famille. Moi, je n'habite plus ici. Ma place est château, mon titre est celui d'élue.

— Je suis désolé, reprend-il. J'aurais aimé te laisser plus de temps avec ta famille.

— Tu... tu as raison, tu es blessé, et c'est ma faute, alors... alors... On va rentrer.

Je me lèvre tristement et monte l'échelle qui mène aux combles. Je remballe toutes mes affaires, avec des gestes désespérément lents, traînant intentionnellement. Peut-être pour passer plus de temps ici ? Pour tirer sur la corde jusqu'à ce qu'elle cède ? Je n'en sais rien.

Les yeux baissés, je redescends, mon cœur lourd me tirant vers le bas. Brusquement, le sol devient très intéressant. Je marche à pas lents vers mon père, n'osant pas regarder ses yeux, et indécise concernant sa réaction.

— Papa je...

— Tu n'es pas ma fille, me coupe-t-il.

Je redresse lentement le menton, je n'ai même pas envie de pleurer tellement je me sens mal. Comme si la douleur absorbait les larmes. Je fixe ses iris bleus en quête ne serait-ce que d'une parcelle d'amour, mais rien. Plus rien. Je n'y vois que de la haine, mêlée d'un effroi propre aux choses qu'on ne comprend pas.

Ma mère prend doucement ma main et me tire loin de son mari. Mes jambes ont de la peine à m'obéir, et je manque de trébucher. Je garde mon regard rivé dans celui de mon paternel, cherchant encore et encore ce que je n'y trouve pas.

Les rayons du soleil qui frappent brusquement sur ma peau m'indiquent que nous venons de sortir. Je continue d'être tirée, et je continue de loucher par-dessus mon épaule, malgré tout. Je crois que je commence à perdre la tête. J'ai trop enduré, ces dernières semaines. J'ai trop vu, trop vécu, trop encaissé.

— Ma chérie ? Il faut que tu montes dans la calèche.

J'entends les mots de ma mère, mais mon esprit ne réagit pas. Je me hisse néanmoins dans la boîte noire, muée par je ne sais quelle force inconsciente.

Les Derniers DragonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant