Adrian marche soudainement vers moi, bras tendus, et me serre auprès de lui contre toute attente.
— Ciel, c'est... c'est incroyable, nous... regarde de quoi nous sommes capables !
Je reste muette, incapable de formuler mes pensées. Il ne se rend pas compte de ce que je viens de comprendre ? N'a-t-il pas entendu mes paroles ? Ne voit-il pas les indices que la magie nous donne ?
— Je suis certain qu'en poussant nos pouvoirs encore plus loin, nous allons réussir à aller au bout de notre transformation, et à nous métamorphoser entièrement. Tu te rends compte ?
Oui, je me rends compte. C'est toi qui ne comprends pas.
— Adrian, tu te trompes complètement... parviens-je enfin à articuler.
— Quoi ? Ciel, est-ce que tu...
— Ce n'est pas un miracle. C'est une mise en garde.
Il ouvre la bouche, puis la referme. Son air perd toute trace d'émerveillement. Je prends la parole avant qu'il ne me coupe :
— Ce n'est pas moi qui ai dit tout ça. C'est la magie. C'est elle qui a déclenché notre transformation, pour nous faire comprendre que nous sommes pareils, et que nous devons rester unis. Nous ne pouvons pas nous disputer comme nous le faisons, ou nous... ou tu...
— Je quoi ?
— La page manquante, chuchoté-je, le souffle court.
— Je ne comprends pas.
J'inspire un grand coup pour garder mon sang-froid, sa douce chaleur corporelle emplissant mes sens.
— Moi non plus. Je sais juste que nos réponses se trouvent sur ce papier. Il faut absolument que nous le retrouvions, et vite.
Il reste silencieux un long, très long moment, si bien que j'ai l'impression qu'il ne me répondra jamais. À l'instant où je m'apprête à m'échapper de son étreinte, il prend finalement la parole.
— D'accord. On va chercher, et on le retrouvera. On ne se disputera plus. Je ferai des efforts.
Je fronce les sourcils. Il est bien trop docile.
— Je crois fermement en la magie, s'explique-t-il face à mon air contrarié. Je crois aussi en toi. Si tu sais ce qui est juste, alors je te suis.
— Merci...
J'enroule mes mains dans son dos et serre son torse contre moi. Je sens ses ailes, douces comme de la soie, légères comme des pétales. Son souffle rauque vient caresser mon oreille, et je ferme les yeux. Je me sens à ma place.
— Allez, va te coucher, murmure-t-il en s'éloignant, trop vite à mon goût.
— Bonne nuit, votre Altesse.
— Bonne nuit.
Il s'éloigne, et à chaque pas, ses ailes semblent rétrécir, jusqu'à disparaître dans une pluie de plumes. Parallèlement, la magie grouillant dans mon ventre s'estompe peu à peu. Mon dos s'allège, comme libéré d'un poids, et la fatigue revient me brouiller les idées.
Je retourne dans ma chambre d'un pas traînant, trop épuisée pour continuer à me poser des questions. Je prends soin de fermer les portes, j'enfile une robe de nuit à la va-vite, puis me glisse sous mes draps propres dans un soupir de soulagement.
Malheureusement, je ne trouve pas le sommeil avant plusieurs heures ; les avertissements de la magie ne cessent de tourner dans mon esprit, et j'ai la cruelle impression d'oublier un élément essentiel.
VOUS LISEZ
Les Derniers Dragons
FantasyElle s'appelle Ciel. Elle est fille de paysans, pauvre, oubliée. Sa vie est simple, ennuyeuse comme un ruisseau à sec. Elle n'aspire à rien - elle se contente d'exister et d'aider son vieux père à la ferme. Pourtant, ce soir-là, des gardes du palais...