73. Dans les archives de la bibliothèque

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— Non, monsieur, je me fiche que vous soyez général ou... Alpha de je ne sais quelle histoire tarabiscotée, je ne peux pas vous laisser entrer alors que nous sommes en train d'opérer quelqu'un !

— Vous savez que je peux me transformer en loup lorsque je m'énerve ? Alors vous feriez mieux de m'écouter, parce que je ne vous promets pas de ne pas vous trancher la carotide...

— Yanos ! je m'insurge en voyant le pauvre médecin prendre une expression interloquée.

Il hausse les épaules et fait demi-tour à contrecœur, non sans pointer deux doigts sur ses yeux puis sur l'homme livide qui referme la porte, le menaçant d'un simple geste. Je le tire en arrière, soufflant avec exaspération, sous l'œil réprobateur d'Adrian.

— On ne va quand même pas attendre les bras croisés pendant que Mimi se fait défigurer ! s'écrie Yanos en se dégageant de mon emprise.

— Et qu'est-ce que tu veux faire d'autre ? réplique notre prince.

— Mais foutre de Dieu, vous maniez la magie, oui ou non ? On doit pouvoir faire quelque chose !

— La seule chose qu'on puisse faire, Yanos, c'est attendre gentiment que Milène se rétablisse suffisamment pour pouvoir se déplacer et l'emmener au point d'ancrage de Clarté.

Il expire par le nez, lèvres pincées, tournant comme un chien en cage. Ses allées et venues me donnent le tournis – je suis tellement fatiguée que tout semble chavirer autour de moi. Mon seul souhait est de m'écrouler dans mon lit et dormir pour qu'on puisse enfin me ficher la paix. Définitivement.

— Écoutez, voilà ce qu'on va faire, reprend Yanos. Je vais aller retrouver Ophiucus pour lui parler de ce qui s'est passé. Pendant ce temps, vous allez essayer de trouver Julien et vous occuper de cette insupportable prophétie avant que je ne la brûle ou la déchiquette en petits morceaux.

— On se retrouve au repas, confirme Adrian.

Sans un mot de plus, ce dernier passe son bras dans mon dos et m'emmène vers la bibliothèque, tandis que Yanos s'élance à l'angle d'un couloir. Ma tête m'élance et mes tempes me brûlent, mais je continue de mettre un pied devant l'autre et d'avancer sans laisser mes paupières se fermer – je ne dois pas faiblir. Obscurité n'attend que ça.

Nous marchons pendant ce qui me semble être une éternité. Par moments, Adrian demande à des gardes que nous croisons s'ils auraient pu voir Julien, et nous finissons par découvrir qu'il est confiné dans les archives de la bibliothèque, une sorte de salle privée sous une trappe où sont stockés les ouvrages les plus anciens et les plus précieux. Je ne savais même pas qu'un tel endroit existait.

C'est avec un immense soulagement que je franchis les portes battantes, les jambes faibles et le front chaud, espérant de tout coeur que nous n'auront pas à courir derrière le mage suprême dans tout le château – je suis certaine que je ne tiendrais pas une dizaine de minutes de plus debout.

— Julien ? Julien ! appelle Adrian.

Pour seule réponse, nous entendons un bruit assez lointain et étouffé, comme une pile de livres qui tombe. Quelques secondes plus tard, du bois qui grince, et la voix de Julien :

— Je suis là !

— Mais où, là ? bougonne mon prince, se remettant en marche en suivant les sons.

Finalement, c'est entre deux rayons reculés que nous découvrons le mage à moitié immergé sous terre, dans une trappe, la barbe recouverte de poussière et un tas de feuilles entre les bras. Il arbore un demi-sourire fatigué et de lourdes poches sous ses yeux, signes de sa fatigue et de son travail constant depuis trois jours.

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