67. La maladie incurable d'Arthur Michael

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Nous avons terminé le récit de notre voyage, et après quelques questions, Julien nous a laissé prendre congé. Immédiatement, sans un mot, comme mus par la même force, Adrian et moi nous sommes serrés la main et sommes retournés dans la chambre du roi.

Un silence pesant règne dans la pièce, chacun écoutant la respiration affreusement sifflante et difficile du seigneur Arthur Michael. Des docteurs s'agitent, entrent et sortent, et personne ne fait attention à nous. Mon compagnon a le regard creux, et semble à des lieux d'ici, les yeux imaginant des horreurs que je ne peux pas voir. Nos doigts finissent par se séparer, brisure torturante mais nécessaire.

Je l'observe s'approcher à pas crispés de l'immense couche, légèrement en retrait, estimant que je n'ai pas à m'imposer dans ce moment père-fils.

— Papa..., murmure Adrian en s'approchant du corps recouvert de fourrures de notre souverain.

Il se penche, doucement, pour voir le visage de son paternel caché sous cette montagne d'édredons. Je n'entends personne lui répondre, pourtant je peux voir mon prince hocher la tête et se pincer les lèvres, comme si les larmes lui montaient.

Un pincement me harponne le cœur et les entrailles. La vie est injuste, tellement injuste. Si seulement nous avions seulement connaissance du mal qui habite le roi... Qu'est-ce que cela peut bien être pour que même la magie n'y puisse rien ? Que je sache, jusqu'ici, elle a toujours pu nous tirer de justesse de situation périlleuses. Lorsque Yanos s'est brisé les côtes, qu'Adrian s'est pris une flèche dans l'abdomen, que Frey s'est fait mordre au ventre... et encore bien des choses qui auraient bien pu être fatales sans l'aide de cet incroyable pouvoir prophétique et renaissant.

Soudain je remarque qu'Adrian me fait signe d'approcher du doigt. Je m'exécute, mes jambes marchant d'elles-mêmes, troublée d'être demandée ainsi.

— Il veut te parler, me chuchote mon prince quand je suis à ses côtés.

Je jette un coup d'œil à la masse mourante. Je croise deux onyx, de la même couleur que ceux de son fils, mais terriblement vides et souffrants. Le visage déjà habituellement marqué et osseux du roi est aujourd'hui squelettique. Il est pâle, plus pâle que la mort elle-même, et de la transpiration fiévreuse perle sur ses lèvres minces et son front. Son teint a même une nuance verdâtre, en fonction de l'angle de vue. Bref, il est mourant, il n'y a plus aucun doute.

— Vous vouliez me voir, votre Majesté ? je questionne doucement, avec la sensation un peu dérangeante de parler à un cadavre.

— Approche..., siffle-t-il si faiblement que je dois lire sur sa bouche.

Tenant mes cheveux pour qu'ils ne tombent pas dans les yeux déjà martyrisés du roi, j'obéis et m'approche de lui, pouvant désormais sentir son odeur malade et morbide.

— Ciel... Petite Ciel..., murmure-t-il quand je suis assez près. Tu aimes mon fils, n'est-ce pas ?

— Oui, Majesté.

— Prends soin... Prends soin de lui... Il a besoin de toi. Occupe-toi bien de lui.

— C'est promis, votre Altesse, affirmé-je en serrant les paupières pour réfréner les pleurs qui me menacent.

— J'aurais aimé... pouvoir être présent le... le jour de vos noces...

— Je suis tellement désolée, sangloté-je sans plus pouvoir retenir mes larmes.

— Ne pleure pas, ma petite... Je pars en homme heureux...

Il tousse faiblement, et j'en profite pour essuyer les gouttes qui ravagent mes joues, même si c'est inutile puisque d'autres leur  prennent immédiatement la place.

Les Derniers DragonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant