— Ciel ?
Je papillonne des paupières en reprenant doucement mes esprits. La voix d'Obscurité s'éteint, celle d'Adrian résonne dans mes tympans.
— Mon ange..., souffle-t-il quand j'ouvre les yeux et croise son regard d'onyx.
— Comment vas-tu ? Et comment va Yanos ? questionné-je d'une voix pâteuse en sentant les doigts de mon prince caresser tendrement ma joue.
— Milène l'aide à se remettre de sa vision avec Clarté. Comment tu te sens ?
— Comme quelqu'un qui vient de s'évanouir.
Il m'aide à me redresser puis me tend une gourde d'eau, que je m'empresse de porter à mes lèvres pour en boire de longues gorgées.
— Je suis désolé..., murmure Adrian, agenouillé face à moi.
— Pourquoi ?
Je rebouche l'outre et la pose, puis jette un coup d'œil autour de nous pour vérifier que tout aille bien – plus ou moins.
— Je suis tombé dans les bras d'Obscurité tellement facilement..., souffle-t-il en se grattant les cheveux. J'aurais aimé pouvoir lui tenir tête et prouver mon indépendance comme tu l'as fait.
— Je ne sais pas si c'était une bonne idée. J'ai attisé sa colère, et à cause de moi elle a rompu un serment avec Clarté.
— Mais tu ne t'es pas laissée faire. Tu... Tu lui as montré qu'elle ne peut pas régner sur tout. Tu as redonné de la force à notre groupe, en montrant que tu étais pleine de courage et digne de respect, alors que j'en suis incapable.
— Adrian... Tu ne peux pas désobéir à ton élément...
— Non, mais qu'est-ce que j'aimerais...
Je souris sans joie et appuie sur mes genoux pour me lever, avant de tendre la main à Adrian pour l'aider. Il glisse sa grande main dans la mienne, puis d'un bond se redresse et se colle à moi.
— C'est pas trop le moment, chuchoté-je en le voyant se frayer un chemin vers mes lèvres.
Il m'ignore en m'embrasse tendrement, nouant ses doigts aux miens, et son odeur masculine prêtée de sueur m'envahit. Soudain je sens quelque chose de mouillé et salé sur ma langue, et quand je porte ma main à sa joue, je comprends qu'il pleure.
Je n'arrive même pas à imaginer combien il doit être dur pour lui d'être sous l'emprise d'un mal qu'il hait, sans pouvoir s'en défaire, sans pouvoir le changer. D'être soumis à une force destructrice qu'il ne peut que supporter silencieusement. D'être corrompu par un concept qui le dépasse et qu'il méprise. D'être trop faible pour le combattre.
Je passe mes bras derrière sa nuque en ignorant les larmes qui se mêlent à notre baiser. Je caresse doucement sa nuque, avec mille précautions, voulant qu'il se sente en sécurité et aimé dans mes bras. Qu'il ne se sente plus seul. Plus vulnérable. Il y répond en posant ses mains à ma taille, comme pour s'y accrocher, pour s'y retenir avant de chuter.
— Pardon, glisse-t-il sur mes lèvres, son haleine heurtant ma peau, ses mots frappant mon âme.
— Tu n'as rien à te pardonner.
— Je t'ai déçu...
— Non.
— Je l'ai vu dans tes yeux.
— Quel genre de personne serais-je si je t'en voulais pour avoir obéi aux volontés de cette horrible femme ? Tu n'y peux rien.
Il rompt notre étreinte en tirant doucement sur une mèche de mes cheveux au passage, puis s'éloigne en direction d'Ophiucus avec un petit sourire triste, murmurant du bout des lèvres un « Je t'aime » qui envoie valser mes pensées.

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Les Derniers Dragons
FantasyElle s'appelle Ciel. Elle est fille de paysans, pauvre, oubliée. Sa vie est simple, ennuyeuse comme un ruisseau à sec. Elle n'aspire à rien - elle se contente d'exister et d'aider son vieux père à la ferme. Pourtant, ce soir-là, des gardes du palais...