— Mais... Mais...
Les mots se mélangent et se perdent dans ma bouche. Je l'ai vue si peu de temps, j'étais si petite...
— Ciel...
Sa voix est chargée d'émotions, tout comme la mienne. Je peine à comprendre et décortiquer les sensations que je ressens, les sentiments qui m'envahissent. Colère ? Joie ? Douleur ? Stupéfaction ? Tout et rien à la fois.
— Maman...
Ce mot est sorti de mes lèvres avec l'aisance d'un enfant. J'ai conservé, après toutes ces années, ce diminutif au bout de la langue. Maman. Il n'y a aucun doute, aucune faille, c'est bien plus évident que lorsque la magie me souffle mon intuition, c'est indestructible, c'est le lien entre une mère et sa fille.
Ma mère se jette dans mes bras sans se soucier du reste. Elle m'étreint, un contact qui m'a manqué, qui a manqué à ma vie. Évidemment, mon père était là, et a toujours fait du mieux qu'il pouvait, mais on ne remplace pas l'odeur d'une mère. Et ce, malgré les années, les relations, les choix, les décisions.
— Tu m'as manqué... murmure-t-elle.
Mon cœur explose de joie. J'oublie tout autour de nous, Yanos, le prince, le roi, même le vomi ; tout ce qui compte, c'est les bras chaleureux et débordants d'amour de ma mère.
Elle s'éloigne de moi, petit à petit, comme si elle craignait de s'enlever. Je me sens bien, incroyablement bien, et je remercie les dieux de m'avoir envoyé la seule personne dont j'ai réellement besoin. Je ne lâche plus son regard, je m'accroche à ses yeux marrons comme si ma vie en dépendait. Maman. Maman. Maman. Ce mot tourne dans ma tête, dans mon cœur, dans mon ventre, et me fait rayonner de bonheur.
— Les draps, dit-elle, un peu gênée, mais un immense sourire sincère aux lèvres.
— Oh, oui...
J'enlève maladroitement le seau de mes genoux, sans pouvoir réprimer une grimace de dégoût. Je ne me sens plus malade, je me sens euphorique, prête à sautiller un peu partout. Tout ça grâce à son regard.
Le prince, resté près de nous, aide ma mère à retirer les édredons sales. Puis il me prend la taille et m'aide à me lever. J'ai les jambes flageolantes, et les vertiges reviennent. Bon, les sauts de joie, ce n'est peut-être pas pour tout de suite...
Yanos revient, un nouveau verre d'eau à la main. Il me le tend, l'air de demander si je me sens assez forte pour boire maintenant. Je hoche négativement la tête, priant pour ne pas vomir à nouveau.
J'observe ma mère changer les linges, tant pour me distraire afin d'oublier ma nausée que pour la regarder. Elle m'a tellement manqué, à moi aussi, je n'ai pas pu profiter d'elle assez longtemps lorsque j'étais bébé. Elle est partie si tôt...
Une fois mon lit de nouveau immaculé, le prince me fait asseoir sur le rebord, gardant un œil sur le seau. Je tends le bras vers Yanos, demandant silencieusement le verre. Il s'approche, et alors qu'il est sur le point de me faire boire, Adrian lui prend l'eau des mains.
— Je m'en occupe, dit-il d'une voix tranchante.
Yanos s'éloigne, un peu confus. Il a compris le message ; ne l'approche pas.
Trop fatiguée pour me mêler de leurs chamailleries, je me laisse faire, et les doigts agiles du prince viennent à nouveau me faire boire. Du coin de l'œil, je peux le voir me dévorer les yeux, ce qui est assez étrange, vu que je dois être pâle comme un cadavre, des cernes violettes sous les yeux, les cheveux sales et désordonnés, bref, tout sauf charmante. Mais il s'obstine à me fixer, le regard brûlant.
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Les Derniers Dragons
FantasyElle s'appelle Ciel. Elle est fille de paysans, pauvre, oubliée. Sa vie est simple, ennuyeuse comme un ruisseau à sec. Elle n'aspire à rien - elle se contente d'exister et d'aider son vieux père à la ferme. Pourtant, ce soir-là, des gardes du palais...