— Votre Majesté ? Psst, votre Majesté, il faut vous lever !
Une voix qui ne m'est pas inconnue perce la brume de mon sommeil, me tirant difficilement de l'incroyable songe que j'étais en train de faire. Je grogne et remue, pas vraiment décidée, essayant de maintenir mes paupières fermées pour ne pas perdre mon rêve.
— Votre Majesté, je suis désolée, mais il faut que vous vous leviez...
La servante semble totalement terrorisée à l'idée de me tirer du lit, ce qui retient mon attention. Fantine n'a jamais hésité à me baffer ou soulever la couverture pour me réveiller, sachant combien quitter les draps moelleux est dur pour moi et combien je suis têtue.
Dans ce cas, qui...
— Merde, mais dégagez de là ! crie Adrian à quelques centimètres de moi, me faisant sursauter.
Je me redresse et me cogne le front contre quelque chose de dur. Je pousse un cri de douleur en même temps que la servante.
— Aïe... Pardonnez-moi, votre Majesté ! s'excuse-t-elle tandis que je papillonne des paupières, cils collés. Je... Je... Le général...
— Qu'est-ce que tu veux, Dahlia ? demandé-je en la reconnaissant enfin.
Elle inspire à fond et se frotte le front, là où nous nous sommes mutuellement cognées. Elle devait être penchée au-dessus de moi pour ne pas déranger son roi... qui faute de chance, semblait réveillé et loin d'être de bonne humeur.
— Le... Le général Brussel, il... il m'a dit de vous remettre ça à votre réveil, alors...
— Ça ne peut pas attendre ? siffle Adrian.
Je sens les draps bouger alors qu'il s'assied, l'allure impitoyable. Il n'est vraiment pas rare qu'il se lève du mauvais pied ; mais là, il ne s'est pas seulement mal levé, il s'est carrément foulé la cheville. Peut-être est-ce l'intrusion surprise de Dahlia qui le met dans un tel état...
Ou peut-être que lui aussi, il faisait un rêve qu'il ne voulait pas quitter ?
Je remarque que la pauvre domestique me tend un papier d'une main tremblante, les yeux écarquillés. Apparemment, elle ne rentrera pas dans cette chambre deux fois si l'occasion se présente.
— Merci, dis-je en prenant le papier. Tu peux le retrouver et lui dire...
Je m'interromps. L'air peiné de Dahlia me rappelle brusquement en quoi cette situation est anormale.
Elle ne pourra pas le retrouver.
— Sortez, grogne Adrian en voyant que je ne réagis plus. Faites en sorte que personne ne rentre.
— Bien, votre Majesté. Toutes mes excuses.
Elle s'éclipse sans faire un bruit, aussi silencieuse qu'un chat aux aguets. Je n'ai toujours pas bougé ; cette prise de conscience vient de me voler ma capacité de mouvements.
— Ciel ? demande Adrian en chassant une mèche qui s'est égarée devant mes yeux. Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Tu as mal quelque part ?
Il scrute rapidement mon corps, mais ce n'est pas ici que se trouve la plaie. Elle est invisible. Elle est cachée. Dissimulée sous ma peau et mes os, jalousement gardée à l'intérieur de moi-même.
— Je t'ai blessée ?
Sa question me sort un tout petit peu de ma léthargie. Lui ? Me blesser ? Mais comment ?
— Hier, je... Enfin, cette nuit, nous... Ça va ? Tu as des douleurs ? J'ai essayé d'être doux, mais...
— Tu ne m'as pas fait mal, l'interromps-je sans le regarder.

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Les Derniers Dragons
FantasyElle s'appelle Ciel. Elle est fille de paysans, pauvre, oubliée. Sa vie est simple, ennuyeuse comme un ruisseau à sec. Elle n'aspire à rien - elle se contente d'exister et d'aider son vieux père à la ferme. Pourtant, ce soir-là, des gardes du palais...