Bodyguards [Tome 2]

Chapitre 1 : Encaisser

- Ca ne va pas ?

Ces mots avaient été chuchotés, comme si ils n'avaient pas voulus sortir. Comme si il était douloureux de poser cette question. Le silence seul répondit, comme de plus en plus souvent ces temps ci.

Un pull tomba à terre, puis un jean, un t-shirt et un débardeur. La faible lumière du soleil déclinant filtra par la fenêtre et vint caresser les épaules de la jeune femme brune à moitié dévêtue, tournant le dos à l'homme qui s'était risqué à ouvrir la bouche.

Bacchus soupira. Un long soupir, las, profond. Il se rapprocha et enlaça Kana avec force, sans parler. Très légèrement, la dramaturge se laissa aller en arrière pour trouver appui contre le torse de son amant, laissé à découvert par son kimono bleu marine largement desserré.

Elle pressa un instant ses mains l'une contre l'autre, puis finit par ouvrir la bouche. Comme souvent pour laisser passer des mots acérés.

- Qui à le coeur à paraître bien en ce moment ? Même Mira sourit encore moins que d'habitude. Et faussement, avec ça.

- Je l'avoue, c'était idiot comme question, marmonna Bacchus. Mais au moins tu as desserré les dents.

- Arrête, Bacc'. Tu sais bien que tant qu'on aura pas de piste sur l'enlèvement de Grey, Minerva et Juvia plus personne n'arrivera à faire comme si, répondit la jeune femme, la voix cassée.

Nouveau silence. C'était malheureux, douloureux, mais Kana avait raison. Un mois déjà qu'ils cherchaient sans succès les ravisseurs de leurs amis, avec l'aide des forces de l'ordre d'Arbaless. Un mois passé à voir les sourires s'effacer, les regards se durcir et les joues se mouiller. Un mois sans les disputes de Grey et Natsu, sans voir Sting et Minerva se tourner autour, sans la folie douce de Juvia pour égayer le manoir. Un mois depuis qu'ils avaient disparu, et depuis Natsu et Lucy n'avaient pas rouvert les yeux. Le mal était d'ordre psychologique, leur corps allaient bien.

Mira souriait avec peine, et n'avait plus le coeur à parler de couples. Luxus ne touchait plus sa guitare. Erza partait tôt avec Anna et Acnologia, traquant les organisations, ne revenant qu'à la nuit tombée, bien souvent bredouille. Jellal s'était enfermé dans un mutisme protecteur, le moindre cri le faisait tressaillir et de vieux démons s'étaient réveillés. Rogue, sans doute le plus stable d'eux tous, prenait en charge Yukino qui fondait souvent en larmes et Sting, qui était pris de crises de rage régulières, le poussant à aller casser le nez d'un ou deux sales types. Bacchus ne buvait plus grand chose, à peine un tonneau de saké par jour, et veillait jalousement sur Kana. Cette dernière écrivait jour et nuit, ne touchait plus trop à l'alcool et ne parlait pas beaucoup. Zeleph et Mavis passaient au moins une heure chaque jour au chevet du cadet des Dragneels. Acnologia secouait Sting en le forçant à se battre contre lui, et portait avec Anna le chagrin de tous sur ses épaules. La blonde avait ressorti son uniforme militaire et dirigeait d'un main de fer un régiment, imposait des règles aux recrues, les empêchant de déprimer, et veillait sur le moral d'Acnologia, bien plus fragile qu'il n'y paraissait.

Le manoir était tellement vide. Surtout que Gadjeel et Levy avaient décidé de se bouger un peu pour partir fouiller toutes les pistes documentaires possibles. Ils étaient sûrement ceux qui s'en sortaient le mieux, dans tout ça. Ils étaient un duo tellement équilibré, prenant chacun la peine de l'autre sur ses épaules et l'effaçant du mieux qu'ils le pouvaient. Se comprenant sans avoir à parler, à esquisser un geste.

Ils étaient à la bibliothèque du continent d'Arbaless, qui regroupait toute sorte d'archives, qu'ils fouillaient avec la force du désespoir. Ils devaient retrouver Minerva, Juvia et Grey. Ils le devaient à tout prix. Sinon, rien ne pourrait plus marcher. Tout dépendait de leurs recherches et de celles d'Acnologia, Anna et Erza.

Bacchus ferma un instant les yeux. Ce sentiment de déprime était vraiment insupportable. De plus, c'était lui qui avait dû se charger d'annoncer la situation de Grey à Lyon, en plein tournage de film à Fioré. Le pauvre... Il n'avait d'abord pas voulu y croire (c'était la phase "Zeleph"). Puis il avait paniqué et appelé Ultear, la fille de la mère adoptive des deux garçons (ça, c'était la phase "Mira"). Avant de vouloir tuer tout le monde (phase "Sting" et "Acnologia", pour le coup).

Ils avaient tous leur manière de dompter la tristesse. Certains y arrivaient mieux que d'autres, comme Rogue. Mais était ce parce qu'il était plus fort mentalement, où juste parce qu'il ne s'autorisait pas à craquer devant Sting et Yukino, déjà trop fragiles ?

Il y avait ceux qui se morfondaient, comme Luxus, Mavis et Zeleph.

Il y avait ceux qui agissaient pour tenter d'oublier leur impuissance, comme Anna, Erza et Acnologia.

Il y avait ceux qui ne s'autorisaient pas à montrer la moindre émotion, au risque de nuire aux recherches, comme Levy et Gadjeel.

Il y avait ceux qui essayaient de s'échapper, pour ne plus se confronter à la réalité, trop dure, comme Kana qui écrivait et Jellal qui composait.

Il y avait ceux qui restaient forts pour les autres mais craquaient une fois seuls, comme Mira et Yukino, sans doute les plus admirables d'entre eux.

Et puis, il y avait aussi ceux qui ne savaient pas quoi faire mais ressentaient un besoin irrépressible de taper sur quelque chose pour évacuer toute cette colère enfuie, ce ressentiment contre eux même pour n'avoir rien pu empêcher, comme Bacchus et Sting.

Pour Sting, c'était plus ou moins compréhensible, comme réaction. Après tout, il était le garde du corps de Minerva. Il aurait dû la sauver, mourir en essayant ou se faire enlever pour la protéger ! Mais non, il n'avait même pas été foutu capable de l'entendre se lever ! Quel médiocre garde du corps il faisait...

Mais du côté de Bacchus, on comprenait moins de tels sentiments. Le jeune homme n'avait rien à se reprocher, alors pourquoi diable s'en voulait il autant ?

A vrai dire, lui même peinait à savoir pour quelle raison il ressentait de rancoeur contre lui même. Mais c'était sans aucun doute parce qu'à cause de tous ces évènements, Kana était triste. Elle n'était plus elle même. Et son devoir, en tant que garde du corps, était de la protéger de toute sorte de mal. Si il avait réussi pour le côté physique, il se battait pour le psychisme. 

Alors qu'il peinait déjà à refermer la plaie qu'avait laissé la mort de sa mère ! Voilà que d'autres blessures se rajoutaient. Et Guildarts qui n'était pas là...

Kana se tourna soudain vers le jeune homme et, à son tour, l'enserra dans une étreinte chaleureuse. Il n'avait pas à s'en vouloir. Surtout pas. Pas lui.

- Tu crois que c'est mal, si on se permet d'oublier leur disparition pendant quelques heures ? interrogea la dramaturge en déposant un léger baiser à la commissure de ses lèvres.

Bacchus sentit bien malgré lui ses lèvres s'étirer en un sourire.

- Non, je pense qu'on peut se le permettre, murmura t-il en réponse.

Alors que le soleil disparaissait définitivement, le peu de vêtements qui leur restait vola. Reprendre espoir, juste pour quelques heures.

NDA : Et voila, machine enclenchée, chapitre 1 posté XD