Bodyguards [Tome 2]

Chapitre 25 : Démesurément

Immense. 

C'était le seul mot qui traversait l'esprit de Kana. La seule impression qu'elle avait. Le seul sentiment qu'elle ressentait. 

Immense.

Ce bâtiment en imposait. Haut d'une centaine d'étages, d'une modernité inédite dans le vieux Arbaless, au coeur des vieilles demeures poussiéreuses et des grands châteaux de l'aristocratie déchue depuis la guerre, impossible de le manquer. Si Gienma se terrait bien là -et elle n'avait quasiment aucun doute quant au fait qu'il le fasse, le vieux dicton se confirmait encore une fois ! 《On est jamais aussi bien caché qu'à la vue de tous.》
La jeune femme porta une flasque à ses lèvres pour se donner du courage, et alors que Bacchus lui piquait le récipient pour se servir une rasade à son tour, elle posa de nouveau les yeux sur le bâtiment. 

Minuscule.

 Il apparaissait maintenant tout petit, et ce n'était pas seulement un effet de l'alcool. Peut être que l'aura meurtrière de Sting l'aidait à se concentrer uniquement sur les futures pauvres victimes du garçon, aussi, plutôt que sur le nombre astronomique d'étages du siège de Sabertooth, mais elle sentait qu'il n'y avait rien là dedans méritant son admiration, et surtout rien de bien grand comparé aux montagnes qu'Anna et Acnologia auraient fait exploser pour avoir des renseignements sur leurs amis enlevés.

- Bon... Est ce qu'on trouve un moyen encore plus suspect de fixer ce pauvre immeuble, ou est ce qu'on ne bougerait pas enfin de là ? lança finalement Cobra, sourcils froncés, son unique oeil flamboyant malgré lui d'une lueur d'excitation.

Ils sursautèrent, bien malgré eux. Sans même s'en rendre compte, en quelques secondes, ils avaient tous été comme hypnotisés par le bâtiment. Ou plutôt par la perspective de ce qu'ils pourraient bien y trouver. Erza fut le seconde à se décider, donnant une -peut être trop- grande claque dans le dos de Jellal pour le motiver.

- Bien dit ! Allez, plus vite ce sera fait, plus vite on pourra se reposer et plus vite on sauvera les trois autres idiots !

Le pianiste aux cheveux bleus aurait bien répondu quelque chose d'enthousiaste devant le discours motivant de son amie d'enfance, seulement il était bien trop occupé à chercher sa respiration, plié en deux, suffoquant, tentant de ne pas mourir avant d'avoir une bonne raison de manger les pissenlits par la racine -raison qui d'ailleurs n'allait peut être pas tarder à arriver si on en jugeait par les revolvers mal dissimulés de Lyon et Meldy, visiblement pas très doués en camouflage. Ce fut Acnologia qui rempli le quota "bonne humeur", en partant dans un de ces grands éclats de rire dont il avait le secret. Tête renversée en arrière, la bouche grande ouverte, il laissait échapper un véritable rugissement. Quelques uns en frissonnèrent d'avance, il fallait dire que lorsque Acnologia commençait à rire il y avait toujours quelque chose derrière de plus sinistre, ce n'était pas vraiment de la joie, plus une sorte de satisfaction dérangeante, celle du méchant qui voit son plan machiavélique pour détruire le monde accompli.

Anna, à son tour, envoya une tape à l'arrière du crâne de son partenaire, blasée. C'était vraiment pas le moment de se la jouer à la Scar.

Kinana osa alors timidement prendre la parole, encouragée par Cobra qui, décidemment désespéré devant l'incurable timidité de son amie de toujours, venait de forcer les autres à se taire avec un de ces splendides regards noirs dont il avait le secret.

- Euh... J'aurais juste aimé une précision à propos du plan : que fait on si on trouve Gienma accompagné ? On est à peine assez pour s'occuper de tout le personnel de sécurité de la tour, imaginons qu'il ait réuni une bande...

- On les neutralise, puis on les force à avouer. Si ils résistent, on les tue. Sinon, on les livre à l'Armée d'Arbaless, répondit calmement Sting, alors que Rogue échouait à l'empêcher de plomber l'ambiance.

Kinana eut un rire nerveux et se rapprocha inconsciemment de Cobra. Pas que Sting était effrayant mais... En fait si, il lui faisait carrément peur. Elle ne se souvenait pas avoir déjà ressenti une telle pression par la simple force d'un regard, alors qu'il ne souhaitait même pas lui faire de mal. Les yeux si bleus du jeune homme paraissaient maintenant avoir la froideur de stalactites glacés, s'enfonçant au plus profond de votre âme avec violence pour hurler sa douleur.

Erza, paraissant sur le point d'intervenir, fut discrètement empêchée par Mirajane qui secoua doucement la tête, un faible sourire aux lèvres. On ne pouvait apaiser Sting, il était comme une bête blessée qui refuse de se laisser approcher, ayant construit des murailles autour de lui. Ca ne semblait pas seulement être à cause de Minerva, selon Rogue, même si elle avait clairement sa part là dedans. On ne le voyait pas, mais malgré ses airs crâneurs, le blond ne maîtrisait rien, et certainement pas ses sentiments. Sting était quelqu'un de fragile, de brisé, à l'intérieur, et tous ici connaissaient cette sensation. Rogue ne souhaitait pas en dire plus, il ne trahirait pas son frère de coeur, mais ils avaient tous deux enduré des choses bien trop dures pour des enfants au fin fond du vieux Doralmia où subsistaient encore quelques villes épargnées par la guerre, rongées à présent de l'intérieur par le fléau de l'intolérance aux étrangers.

Cette impuissance à accomplir ce que Sting savait être son devoir, et pire encore cette incapacité à protéger une personne chère à son coeur avaient sérieusement blessé le garçon. Il se pensait bon à rien, toxique, et sa façade de Garde du Corps confiant et sûr de lui avait volé en éclat pour l'exposer à nu, avec ses anciennes blessures à vif, si fraîches qu'elles saignaient encore et venaient mêler leur hémoglobine à celle des nouvelles. Tant qu'on ne serait pas rentré à Fiore, même si entre temps ils réussissaient à récupérer Minerva, le travail psychologique serait long.

Ils étaient des enfants de la Guerre, et la Guerre avait fait d'eux des orphelins. Infirmes, amputés d'une partie de ce qu'ils étaient, incapable de se remémorer leur enfance ou les temps de paix, ils avaient erré dans leurs existences de soldats et de civils, ne cherchant qu'à survivre, ne vivant que par la Guerre, que pour la Guerre.

Quand elle s'était finie et qu'elle avait disparue, alors qu'ils auraient tous dû sauter de joie, enterrer les souvenirs et recommencer sur les cendres encore chaudes de ce qu'ils avaient étés, ils s'étaient tenus là, debout mais brisés, ne sachant plus que faire maintenant qu'elle partait.

Ces blessures, elles se réouvraient un peu plus en chacun d'eux alors qu'ils observaient les yeux de glace de Sting, et qu'ils se rendaient compte que ce blondinet de leur âge, ils auraient tous pu être à sa place, se laisser sombrer dans l'amertume et la douleur, se rassurer dans la peine, se plonger à coeur ouvert dans le torrent de leur souvenirs.

Ils le pouvaient tous encore.

NDA : Et voila. C'est fait. JE SUIS DE RETOUUUR ! Wouah, ça fait du bien ! Je n'ai jamais pris de pause aussi longue je crois, mais elle était nécessaire, et me voila enfin prête à rédiger la suite :) Sachez cependant que ce ne sera pas aussi fréquent qu'avant questions posts car j'ai nettement moins de temps T^T J'essaierai de poster quand même une fois par semaine, parce que faut pas déconner :) J'espère que vous ne m'en voulez pas trop, je compte sur vous pour me donner des retours je suis peut être un peu rouillée ahah ;)

Sinon, je creuse un peu plus la psychologie des persos, parce que comme je l'ai -pas- subtilement glissé tout au long des deux tomes de Bodyguards, bah... Ils sont nés pendant la guerre quoi, alors questions séquelles il y en a pas mal ! Petit rappel chronologique d'ailleurs, ça vous aidera sans doute : 5 ans que la Guerre est terminée, et elle a duré 20 ans, sachant que les aînés sont Anna & Acno et qu'ils sont actuellement âgés de 28 ans :)

Voila, voila, je me devais de faire un pavé XD Ah oui aussi : VOUS ÊTES GENIAUX T^T