Chapitre 33 : Noblesse

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La gare était bondée. Des gens attendaient avec des visages anxieux, larmoyants ou excités. Ce train en provenance de Doralmia était un des derniers qui reliait encore Arbaless et le vieux continent depuis le début de la guerre, il y avait de ça deux ans. Bientôt, il ne circulerait plus. On murmurait des tas de choses sur Doralmia, depuis que Fiore avait gagné contre leurs armées et que la famille royale, "mystérieusement disparue", ne laissait derrière elle qu'un peuple affamé à la merci des barbaries les plus immondes qui se produisaient en temps de guerre. Les soldats de Fiore se retrouvaient à combattre des ennemis plus redoutables encore que les armées de Doralmia. Les trafiquants d'esclaves enlevaient ceux qui n'avaient plus rien, ni famille ni biens, et nul ne s'en apercevait. Des organisations criminelles naissaient un peu partout pour prendre le contrôle des villages après la mort des seigneurs sur le champ de bataille.

Voila ce qu'on récoltait à rester enfermé dans un absurde système de monarchie : quand elle s'effondrait, le chaos qui s'ensuivait était si destructeur que la guerre et les batailles sanglantes paraissaient presque bon enfant en comparaison.

Acnologia songeait à tout ça avec un détachement certain, presque amusé de la situation. Il fallait dire qu'Arbaless et ses conseillers de l'Empereur défunt qui se déchiraient ne valait pas mieux. Il le savait, du haut de ses cinq ans et demi, mieux que personne, pour être le premier né et seul enfant d'une des familles qui se disputaient le pouvoir.

Debout sur le quai de la gare, en pourpoint et pantalon des grandes occasions, il tirait avec une grimace sur le col rigide de son vêtement qui, fermé par des attaches à motifs tribaux, montait trop haut à son goût. Il laissait le regard des gens glisser sur sa famille avec une passivité née de l'habitude. Son père, il fallait le dire, avait un sens de la mise en scène assez théâtral et aimait beaucoup se donner en spectacle. Il ne manquait donc pas d'exhiber les couleurs de sa maison en toute occasions, même lors des sorties les plus banales.

Acnologia détestait la noblesse, dont il faisait partie bien malgré lui, pour cette attitude immonde. Arbaless, comme Fiore, comme Doralmia, fonctionnait sur un système des plus simples et pourtant tellement protocolaire que ça lui en donnait mal au crâne, d'apprendre par coeur ces règles de conduite idiotes. Plus tard, lorsqu'il aurait enfin son mot à dire, dans une dizaine d'années, il ne manquerait pas de le faire savoir à ses géniteurs.

Pour l'instant, il gardait ses yeux bleus rivés vers le tunnel sombre d'où allait arriver le train d'un instant à l'autre. Il n'était vraiment pas ravi de ce que ce véhicule apportait, et pour cause il n'y avait là dedans rien de moins que sa tant aimée fiancée. 

Bien que ce mot pour lui ne signifie pas encore grand chose, il était trop jeune après tout, il savait néanmoins que c'était une attache gênante à une personne qu'il n'appréciait pas plus que de raison. Il allait déjà devoir partager avec elle sa maison, puisqu'elle n'en avait plus, mais ne ressentait aucune envie de partager sa vie.

Sa mère le tira de ses pensées en posant sur son épaule une main parfaitement manucurée. Elle lui offrit un doux sourire, et il tenta d'y répondre du mieux qu'il le pouvait. Ce n'était pas vraiment de sa faute, mais pour avoir été élevé dans un monde où tout n'était que faux-semblants, sourires biaisés et menaces subtiles, il avait du mal à discerner ce qu'il pouvait croire, à qui il pouvait se fier. Dans le doute, il ne croyait et ne se fiait à personne. Pas même sa propre mère. Ne l'avait elle pas vendu à cette Anna Heartfilia, attaché, sans son consentement ? Même ses propres parents lui inspiraient de la méfiance. Oh, il les aimait, qu'on ne s'y trompe pas. Mais il ne les croyait pas. Il savait qu'ils l'aimaient, enfin ils le disaient du moins, mais ne pouvait s'empêcher de se méfier. Si ils l'avaient donné à Anna, ne pouvaient ils pas disposer de lui comme ils l'entendaient ?

On lui avait fait intégrer sans le vouloir la notion de trahison, et dans l'enfance l'univers est manichéen aussi craignait il tout, de la part de tous, et tout le temps. Il était né en temps de "paix" officiellement, mais en pleine période de tensions et cette atmosphère conflictuelle permanente avait sur lui des répercussions négatives. Elle lui avait laissé des séquelles, bien qu'il soit encore jeune et malléable, dans son crâne était gravé au fer rouge de ne faire aveuglément confiance à personne, car personne ne lui faisait aveuglément confiance non plus.

Le train arriva enfin, faisant grincer les rails, et la respiration de toutes les personnes sur le quai fut retenue jusqu'à ce que les portes s'ouvrent dans un chuintement discret. Démarra alors le bal des embrassades, des larmes, des chants, des rires et des cris. Les bagages étaient traînés avec difficultés, chutaient parfois sur le quai dans un bruit sourd. Le chauffeur hurlait quelque chose d'indistinct à propos de délais et d'horaires, puis, enfin, ils descendirent à leur tour.

Les Heartfilia.

Le père d'abord, toujours aussi grand, de stature impressionnante, aux épaules carrées et aux muscles encore vigoureux. Ses cheveux blancs n'enlevaient rien à sa prestance, et ses rides au niveau des yeux attestaient d'un tempérament rieur. Acnologia l'aimait bien, il le trouvait  honnête aussi justement que son expérience lui permettait d'en juger. Etranger à tout ce climat toxique instauré par la noblesse d'Arbaless, le père d'Anna n'était en tout cas pas de ceux à feindre pour conserver fortune ou réputation. Vint à sa suite la mère, l'air de rêver encore, ses cheveux blonds maintenus par une coiffe typique de Doralmia, dans une robe quoique très élégante, froissée par le voyage. Les cernes sous ses yeux verts témoignaient de nombreuses nuits sans sommeil et son sourire était celui du soulagement pur. 

Puis arriva Anna. Ses cheveux longs, véritable cascade dorée, étaient maintenus sur le côté par deux tresses. Elle regardait tout avec intérêt, un livre sous le bras. Dans une robe verte simple, serrée à la taille par une ceinture en tissu dorée, symbole de sa famille, elle irradiait l'innocence. Acnologia sentit sa mère sourire plus qu'il ne la vit. Elle adorait Anna.

Le garçon, quant à lui, n'imita pas sa mère. Il n'y arrivait pas, sauf pour lâcher des rictus ironiques ou sarcastiques. Il essayait, il y arrivait quand il fallait le simuler, mais en cet instant ses lèvres étaient juste scellées.

Les yeux d'Anna, presque noirs, rencontrèrent les siens, d'un bleu glacial.

Il y lut son âme.

Et il sourit.

NDA : Hey ! Et voici le chapitre 33, où on voit la situation de notre bien aimé Acnologia

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NDA : Hey ! Et voici le chapitre 33, où on voit la situation de notre bien aimé Acnologia. J'aime bien partir très loin, c'est marrant :3 Alors, votre avis sur leur situation ? Dire qu'à cinq ans ils sont déjà comme ça X) On peut imaginer pourquoi ils ont tourné en ce qu'ils sont... Et encore, j'en ai pas fini avec eux héhé ;) J'ai par ailleurs tellement de choses à dire sur la suite de l'histoire, après avoir finit la parenthèse Anna/Acnologia, que je me demande si je ne vais pas finalement me lancer dans un court tome 3 après celui ci XD Parce que, et oui, tous les prochains évènements sont plus ou moins planifiés et il ne me reste qu'à les écrire ! Que pensez vous qu'il adviendra de nos chers protagonistes ? ;)


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