Bodyguards [Tome 2]

Chapitre 31 : Erreur ?

Elle ouvrit les yeux avec difficulté, la vue brouillée et la tête tournant beaucoup trop à son goût. Son esprit vagabondait encore quelque part dans les jardins de l'inconscience quand elle tenta de se relever. Une douleur aiguë traversa immédiatement tout son corps, transformant son bras gauche en millions de cellules enflammées criant leur souffrance. Un moment elle en fut paralysée, mais réussit néanmoins à s'adosser au mur du couloir dans lequel elle se trouvait, tant bien que mal. La nausée lui vint brusquement, elle se retint de rendre son déjeuner, et porta la main qu'elle pouvait bouger à sa tête qui lui faisait toujours voir le monde comme dans un kaléidoscope.

- Hurgh... Qu'est ce qui s'est passé... ? marmonna t-elle doucement, surprise par ce filet de voix qu'elle ne reconnaissait presque pas.

Le sol arrêta enfin de tanguer, et les néons blancs cessèrent de l'éblouir. Elle sentait la fermeté du revêtement en béton sous ses cuisses, la dureté du mur peint en gris dans son dos, et la texture rugueuse du plancher. Sa main gauche, toujours atrocement douloureuse et étrangement engourdie, lui paraissait poisseuse, comme si elle avait touché quelque chose d'épais et collant. Lorsqu'elle sentit que son cerveau avait définitivement arrêté de se balader dans sa boîte crânienne, elle risqua un regard et un haut-le-coeur la saisit de nouveau. Elle grinça des dents, comprenant d'un coup pourquoi elle se retrouvait affalée au sol, sans forces, et engourdie par la douleur.

Elle avait oublié son bras, et de toute évidence ça ne sentait vraiment pas bon si elle en jugeait par l'apparence. Des blessures, elle en avait vu des tas, des bien pires, mais elle savait aussi que son corps n'était peut être plus aussi résistant qu'il l'avait été. Son mental, également, avait tendance à s'effriter plus facilement. Elle s'était donnée jadis corps et âme dans la bataille, mais cette habitude elle l'avait perdue avec la paix. L'habitude du sang et de la douleur, acceptation horrible de l'esprit acculé qui n'a d'autre choix que de faire avec, elle ne l'avait plus et en était à la fois heureuse et contrariée. En si peu de temps de paix, elle qui avait vécu sept ans sur le champ de bataille, elle n'aurait pas dû avoir ce comportement. Elle avait une attitude de bleue, et ce n'était vraiment pas l'endroit pour abandonner ses réflexes guerriers, parce qu'elle se trouvait en plein coeur du QG ennemi. Elle avait même de bonnes raisons de croire que la planque de Gienma était proche, ses choses là se sentaient, et son sixième sens s'agitait. Ce couloir, il menait à l'endroit le plus reculé de Sabertooth, caché dans les entrailles du bâtiment, et souvent c'était là que les choses les plus précieuses étaient cachées... La partie la plus difficile à atteindre. L'endroit le moins facilement décelable. 

Elle se secoua et s'assit dans une position plus convenable, dos droit, appuyée contre le mur. Elle ferma les yeux et relâcha ses muscles un à un, forçant son corps à se détendre sans pour autant baisser sa garde. Enfin, elle cuirassa son coeur, fit taire ses inquiétudes, ses regrets, sa colère et toutes ces émotions qui ne faisaient que l'encombrer, puis regarda plus attentivement la cause de tous ses problèmes. 

Son bras. Sommairement pansé avec plusieurs bandes de tissus arrachées -son T-shirt y était presque entièrement passé, elle bénissait son gilet pare-balle sommaire de la couvrir encore un peu, ça ne faisait pas sérieux de venir arrêter les gens en sous-vêtements-, quasiment tout le membre irradiait d'une douleur qui se faisait peut être un peu trop insistante. Sa main, maculée de sang séché jusque sous les ongles, tendait à devenir rouge. Le pansement de fortune, quand à lui, avait définitivement tourné au marron, imbibé d'hémoglobine.

 « C'est mauvais... Il y en a trop. Beaucoup trop, j'ai du m'évanouir à cause de la perte de sang. Il me faut un garrot, mais hors de question de me mettre hors service. Je n'ai pas l'impression que l'hémorragie soit si grave que ça... Même si la blessure est tout sauf bégnine. Je dois trouver de quoi la nettoyer dignement, au moins le temps de faire ce que j'ai à faire. »