Chapitre 24 : Réminiscences amères

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Ses yeux s'étaient habitués à la semi-obscurité régnant dans la pièce. Si d'ordinaire ce genre d'ambiance tamisée la rassurait, à présent elle n'était même plus sûre de pouvoir de nouveau supporter d'être plongée dans le noir. Son achluophobie y était grandement pour quelque chose, mais la peur ne voulait plus la quitter. Pourtant, la résignation aurait dû être le sentiment dominant. Tout comme cette colère qui la consumait, qui lui hurlait de ne pas céder, chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde qu'elle passait à essuyer les coups.

Elle ne sentait plus son corps, ou plutôt, justement, n'avait que trop conscience de lui. Chaque millimètre de sa peau semblait en feu, la moindre parcelle de chair qu'elle apercevait présentait entailles et contusions. Tout juste si elle avait encore la force de maintenir sa tête. Elle ne savait même plus où elle puisait toutes ces ressources, elle ne sentait pourtant plus aucune puissance dans ses veines. Pas même de quoi serrer le poing. Mais elle gardait la tête haute, par orgueil peut être. Ses cervicales étaient sans doute juste coincées. 

Si les fers n'avaient pas été là pour la tenir plaquée au mur, nul doute qu'elle se serait effondrée au sol, vidée de forces. Mais si physiquement elle n'était plus rien, sa volonté continuait de l'aider à supporter son calvaire.

C'était presque involontaire, mais elle continuait à résister, jour après jour. Pas une plainte ne franchissait la barrière de ses lèvres. Si elle commençait à parler, alors toutes ses résolutions, toute sa détermination... Tout ce qui lui restait pour faire face volerait en éclats.

Ni larmes, ni cris. C'était lui qui l'avait formatée pour ne pas qu'elle montre sa souffrance. Lui qui l'avait enfermée derrière ce sourire. Lui qui avait fait d'elle une machine.

Forte, belle, irrésistiblement parfaite. Mais vide.

Et aujourd'hui, tout ce qu'elle avait par sa faute dû accepter, les coups, les cris, le sang et le masque, ça se retournait contre lui. Si elle n'avait pas autant souffert, Minerva aurait presque rit. Quelque part, elle en était heureuse. Ses propres enseignements le détruisaient.

Il n'y avait rien qu'elle ne savait faire mieux que de jouer la comédie, et sa vie était son film le plus réussi.

Ce jeu d'acteur sublime que tant louaient... Comment auraient ils pu deviner qu'elle l'avait acquis dans la douleur ? Et pourtant, sa souffrance réveillait chez elle des souvenirs enfouis qu'elle se serait bien gardé de réveiller.

D'aussi loin qu'elle pouvait retourner dans sa mémoire, Gienma n'avait jamais été un père aimant. Mais lorsqu'elle était encore toute petite, cinq ans peut être, sa mère avait mystérieusement trouvé la mort. Minerva, à cette époque, ne pouvait imaginer que ce n'était pas un accident mais bien un meurtre... Commis par son géniteur lui même.

Elle ne l'avait su que très tard, vers ses quinze ans. Cette période était un peu floue dans sa mémoire, contrecoup du traumatisme sans doute. Au décès de sa mère, dont elle ne gardait somme toute que très peu de souvenirs, Gienma avait montré son vrai visage. Fini le masque du Père de famille. Il était un criminel, un meneur de clan.

Et sa fille, la chair de sa chair, devait montrer au monde à quel point son sang était supérieur à celui du commun des mortels.

Intelligente, belle, forte, elle devait être parfaite à tous les niveaux. Ne jamais être faible, ne jamais pleurer, toujours calculer une situation avant de décider de sa réaction. Devenir une véritable machine insensible.

Et elle l'avait été. Elle avait ri quand il l'avait voulu. Elle avait frappé quand il le souhaitait. Elle avait séduit, elle avait tué, selon ses désirs à lui.

Puis était arrivée Yukino. Si lumineuse, si pure, si innocente... Si honnête.

Minerva avait pris conscience du monstre qu'elle était. Etudiante parfaite sous tous rapports le jour, monstre sanguinaire la nuit. Elle avait déposé une plainte au commissariat, dans le plus grand des secrets.

L'enquête s'était menée discrètement, puis à l'aube de ses dix-neuf ans, Gienma Orlando avait été arrêté pour le meurtre de sa femme.

Minerva avait fait l'erreur de se croire libre. Elle avait poursuivit ses études aux côtés de Yukino, qui ne savait rien du rôle décisif qu'elle avait joué dans sa vie, ni de tout ce qu'elle avait fait, dans l'ombre.

Aujourd'hui, pour la première fois peut être, la brune regrettait de ne jamais avoir eu le courage de dire la vérité. Yukino ne savait rien de sa famille, et elle ne s'en était jamais plainte. Pas une fois. Pourtant elle, elle avait parlé à propos de ses parents qui lui reprochaient de ne pas être semblable à leur autre fille, tués dans un incendie. De cette soeur, qui lui manquait tellement.

Elle lui avait dit quand elle avait retrouvé Sorano sur un tournage, alors que cette dernière était venue rendre visite à Midnight. Yukino s'était confiée tant de fois, sur des sujets délicats.

Et Minerva avait été une oreille attentive, comme toujours. Elle avait écouté, consolé, aidé. Tout en se maudissant intérieurement de son manque de courage. C'était d'une ironie palpable, elle qui n'hésitait pas face à dix adversaires était lâche au point de ne pouvoir parler de son père à sa meilleure amie.

Elle avait faillit se confier à Sting, mais très vite, comme toujours, une peur glaçante l'en avait empêchée.

Cette même peur qui aujourd'hui la saisissait en voyant son geôlier rentrer dans la pièce. Elle ne devait pas être belle à voir, amorphe, pendue à ces chaînes au mur. Comme toujours, il la fixa de son détestable air supérieur, avant de lui attraper violemment le crâne. Elle ne ;réagit pas, décidée à ne rien dire.

- Alors, tu gardes la bouche cousue ? Tu es tellement faible que la peur t'empêches de bouger les lèvres ? siffla d'une voix grinçante son père.

Gienma la lâcha brusquement, arrachant quelques cheveux noirs au passage. La tête de Minerva heurta les briques dans un bruit sourd. La douleur se propagea, lancinante, irradiant dans tout son corps.

Elle ne broncha pas. L'homme tenta alors une autre méthode. Dans un geste qui n'avait rien de tendre, il effleura sa joue meurtrie.

- Allons, je suis ton père... Une bonne fille doit tout dire à son cher papa... Tu es une bonne fille, Minerva, chuchota t-il en pressant plus sur sa blessure, provoquant une nouvelle explosion de douleur.

Comme d'habitude, aucune réaction. Gienma paru presque heureux de cette absence totale d'émotions se peignant sur le visage de la jeune femme. Il remonta ses manches.

Mais lorsque le premier coup porta, Minerva était déjà loin.

Sting... Je t'aime... 

NDA : Je souffre de faire souffrir Minerva sérieux XD L'ambiance est sombre, mais bon le tout est pas joyeux non plus X) Gienma est vraiment un connard, non ?

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NDA : Je souffre de faire souffrir Minerva sérieux XD L'ambiance est sombre, mais bon le tout est pas joyeux non plus X) Gienma est vraiment un connard, non ?


Bodyguards  [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant