Chapitre 38 : Traversée

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Acnologia cracha ses poumons, par dessus le bastingage du navire plein à craquer sur lequel Anna et lui avaient tant bien que mal réussit à se trouver une place, en donnant tout l'argent qu'ils avaient été assez intelligents pour emporter. Les temps d'appartenance à la haute noblesse n'étaient plus, et ils se retrouvaient aussi pauvres que n'importe quels miséreux à leurs côtés. Pauvres, peut être, mais au moins libres, et ils auraient volontiers donné tout l'argent du monde contre cette sensation grisante.

Le jeune homme sentit son estomac se retourner et rendit de nouveau tout le contenu de son déjeuner par dessus bord. Anna lui tapota le dos, maladroitement, puisqu'elle était déjà trop occupée à contenir le fou-rire qui se pressait au bord de ses lèvres. 

- Un peu de sympathie ne serait pas de refus... Blondasse... râla t-il, nauséeux, et de mauvaise humeur.

- J'aimerais te dire que je vais essayer mais... Oh par les dieux cette tête ! finit par éclater l'adolescente, s'effondrant sur le pont en se tenant les côtes, secouée par un grand éclat de rire.

- Sale... Hurgh ! T-tu vas me la payer, idiote, tenta de la menacer son compagnon de voyage.

Leur semblant de dispute, ce qui devait arriver environ une trentaine de fois par jour, attira l'oeil curieux des autres passagers, toujours pas habitués à ce spectacle. Ils les fixèrent, amusés, mais les adolescents ne s'en rendirent pas compte.

Acnologia resserra contre lui les pans d'une longue cape informe et déchirée, trop grande pour son mètre soixante-dix, qui avait jadis dû être un manteau. Grise et sale, fermée par d'étranges perles, il l'avait trouvée dans la rue, mais ne possédait plus que ce vêtement et son espèce de sarouel blanc prêté par un type un peu douteux à bord. Il l'avait fait tenir à la taille grâce à un foulard d'Anna, bleu, le seul truc qu'elle avait jusque là réussit à garder. Le jeune homme avait froid, giflé par le vent froid et les embruns de la mer, son torse à découvert était à peine réchauffé par la mince barrière de son manteau. Et les frissons qui le prenaient à cause de son mal de mer n'arrangeaient absolument rien.

Mais il ne se plaint pas, puisqu'Anna, même si elle semblait adorer se foutre de sa gueule de toutes les manières possibles et imaginables, ne portait rien d'autre qu'une courte robe blanche s'arrêtant à peu près à ses genoux, peut être un peu au dessus, très abîmée et surtout effroyablement légère. Ses cheveux blonds, même si ils avaient un peu poussés, ne suffisaient pas à lui couvrir entièrement les épaules, et sans chaussures, ses pieds dont la couleur tirait dangereusement vers le mauve révélaient tout de sa température corporelle apparemment très basse. Il l'aurait peut être même plainte si il n'avait pas été si occupé à nourrir les poissons avec le contenu de son estomac. Et en plus il n'avait pas mangé grand chose, alors il vomissait essentiellement de la bile qui lui brûlait tout le corps.

- Dis-moi qu'on arrive bientôt, gémit il pitoyablement pour la cinquantième fois en deux heures, affalé sur le pont.

Quelques gens murmuraient en le regardant, et il saisit des bribes de conversation, intérieurement amusé. Certains semblaient se demander si il allait mourir, et d'autres commençaient à parier sur les chances qu'avait Anna de le jeter par dessus bord. Ceux avec qui ils faisaient momentanément route ne parlaient pas tous la langue commune à Arbaless et Fiore. Selon un vieux type un peu décrépi à qui il manquait trois dents sur le côté, il s'agissait de vieux dialecte Doralmien. Anna avait haussé les épaules, elle ne connaissait pas cette langue, bien que native du vieux continent comme le prouvait son teint hâlé. 

Et peu à peu, sans même s'en rendre compte, les deux adolescents avaient commencé à comprendre cette langue puis, progressivement, à la parler, d'abord avec hésitation, mais maintenant ils savaient tenir une conversation sans peine. Les oreilles d'Acnologia ne faisaient même pas vraiment de différence entre ce dialecte et la langue d'Arbaless, tant il était désormais habitué à entendre ces sons rugueux et désagréables, qui formaient maintenant des mots et des phrases.

Le jeune homme leva faiblement le bras pour leur montrer que, pour la millième fois, il avait survécu, et que, définitivement non, ils ne pourraient pas jeter son cadavre à la mer pour gagner de la place. Sympa les voisins et l'esprit d'entraide, mais on finissait par s'y habituer. Tant qu'il n'y avait pas de cannibalisme, ça allait encore.

Anna, apparemment vaincue par les embruns, et non pas par le mal de mer -bon sang comme il l'enviait-, vint glisser à son côté. Ou plutôt s'écraser comme une baleine échouée manquant cruellement de grâce, mais ce n'était pas lui qui gisait sur les planches comme un phoque blessé qui allait faire une remarque. D'ailleurs il se serait fait envoyer sur les concombres de mer, faute de roses en plein océan.

- Il paraît qu'en observant les nuages, la vioque avec le bonnet orange -t'sais celle qui se prend pour une sirène ?- a prédit qu'on arriverait dans trois jours au plus tard, lui apprit la blonde en posant sa tête sur lui.

Elle semblait le préférer comme oreiller aux planches visqueuses du pont, pleines d'algues, et il ne pouvait pas vraiment lui en vouloir. En plus elle le réchauffait quand même un peu avec sa chaleur naturelle. Même si ils puaient tous les deux le poissons pas frais, avaient des traces noires sur le visage et de la graisse dans les cheveux, se savoir à deux dans cette coque de noix remplie d'étrangers aux coutumes flippantes, ça aidait pour le moral.

Anna traça d'un doigt distrait les tatouages qui couvraient le torse d'Acnologia. Elle se doutait désormais, pour l'avoir vu partiellement nu, qu'ils couvraient quasiment tout son corps. Et si ce n'était pas tout son corps, au moins la moitié de son dos et de son torse, sans oublier ses mollets, ses bras, ses épaules et surtout son visage. Pour une raison étrange, peut être l'encre utilisée, ils restaient toujours aussi bleus malgré la crasse.

- Je sais que t'es attirée par mes magnifiques abdos, mais là tu me chatouilles, grogna Acnologia en ouvrant un oeil perçant.

La blonde laissa échapper un rire, et cessa de bouger dans ses bras, se calant un peu plus confortablement -pour autant que le plancher humide du pont d'un vieux bateau exposé aux vents puisse être confortable. Elle observa la beauté et la quiétude du ciel en plein milieu de l'océan. Ce spectacle l'apaisait, ou bien peut être était ce la berceuse chantée par les Doralmiens dans leur langue gutturale, en fond.

Peut importe, elle était bien. Le regard d'Acnologia pesant sur elle lui fit détourner le regard, et elle fit face au jeune homme avec un sourire. Elle posa ses doigts sur les paupières de l'adolescent pour les abaisser, avec une douceur qu'elle n'avait pas pu retenir.

- Dors crétin, au lieu de m'admirer, répliqua t-elle doucement.

NDA : Ahah, et oui, qui dit chapitres plus ou moins réguliers dit aussi horaires pas possibles, mais pour ceux qui suivent Bodyguards depuis longtemps, vous êtes habitués je crois XD Un chapitre un peu plus calme, et au ton plus léger

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NDA : Ahah, et oui, qui dit chapitres plus ou moins réguliers dit aussi horaires pas possibles, mais pour ceux qui suivent Bodyguards depuis longtemps, vous êtes habitués je crois XD Un chapitre un peu plus calme, et au ton plus léger... C'est qu'ils ont enfin trouvé leur liberté nos deux pyromanes favoris ! :3 Ca fait du bien de les voir plus proches, non ?

PS : Vous voulez savoir ce qui arrive à Anna et Acno après ? Passez voir l'histoire qui est dédiée à leurs années à l'armée de Fiore, SOLDIERS , terminée et disponible sur mon compte (Pikachu_680) ;)

Bodyguards  [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant