Bodyguards [Tome 2]

Chapitre 35 : Enjeux

Acnologia leva les yeux au ciel pour la énième fois en une trentaine de secondes. Il grogna, un grognement discret mais qui trahissait tout son ennui. Le regard de sa mère pesa lourd sur lui, et il se reprit assez rapidement.

Il avait quinze ans. Trop jeune pour se lasser déjà du jeu politique dans lequel on l'enfermait depuis sa naissance. Trop vieux pour encore en être prisonnier.

Droit dans son costume noir, ses cheveux d'un bleu éclatant sagement ramassés en une queue de cheval d'où s'échappaient quelques indomptables mèches, il regardait d'un oeil morne la cérémonie se déroulant sous ses yeux.

Tout le gratin d'Arbaless avait les yeux rivés sur la même chose que lui, à savoir les deux cercueils vides qui descendaient doucement dans le caveau creusé à cet effet. Il grimaça en voyant tous ces gens qui pleuraient, veillant tout de même à ne pas abîmer leurs tenues, leur maquillage, et à ne surtout pas offrir aux caméras présentes un visage défiguré.

Des pleurs... Ah ! Lui, il avait côtoyé les Heartfilia quotidiennement cinq ans de sa vie, et régulièrement avant ça, mais pourtant aucune larme ne voulait couler. Pourquoi auraient elles dévalé ses joues ? Il n'était pas triste. Il ressentait peut être quelque chose, à mi chemin entre l'agacement et la curiosité, en voyant Anna renifler au premier rang. Mais c'est parce qu'il savait que ses pleurs à elle étaient peut être les seuls sincères de toute cette salle ou on se passait pourtant beaucoup trop de mouchoirs.

La moitié de ces personnes, il était prêt à le parier, ne pouvait même pas se souvenir de l'apparence de ceux qu'on enterrait. Hypocrites, faux, à vouloir à tout prix s'afficher. Il les haïssait. Il haïssait cette habitude que la noblesse d'Arbaless avait à être toujours dans la démesure.

Plutôt que de contempler ce qui, somme toute, n'était ni plus ni moins que deux boîtes vides, il promena ses yeux bleus sur la salle. Les caméras épiaient tout, à l'affût du moindre débordement qui pourrait faire la nouvelle une pour le lendemain. Pour faire oublier au peuple que dehors la guerre faisait rage, rien de mieux que les distraire. Et quoi de mieux pour ça que la vie fade et insipide de ces individus si hauts placés dans la société, se battant régulièrement pour le siège d'empereur vide depuis une dizaine d'années ?

Pitoyable. Ce combat n'avait aucun sens, Acnologia le savait mieux que personne : il était au centre du conflit depuis sa naissance. Si sa famille n'avait pas été amie avec celle d'Anna, on l'aurait probablement fiancé à la fille de l'autre plus puissante lignée du continent : les Vermillions. Ou peut être au fils de cet homme qui avait été conseiller du défunt empereur et dont il ne se remémorait même pas le nom. De toute manière, ça n'avait pas d'importance puisque, pour son plus grand malheur, le décès des Heartfillia n'avait pas annulé le contrat. Saleté de testament !

Oh, il n'avait pas grand chose contre Anna. Mis à part le fait d'être incroyablement insupportable, elle n'avait pas de trait de caractère si agaçant que ça, mais bon sang... Cette union avait juste pour but de lui obtenir des papiers ! Ils n'auraient pas pu s'y prendre autrement ? Sa famille avait du pouvoir, pourquoi ne pas directement demander une faveur à l'Etat ? Il était quasiment sûr que ça aurait porté ses fruits... 

L'adolescent passa une main dans ses cheveux. Il sentait, sans pouvoir s'expliquer comment, qu'une caméra avait braqué sur lui son objectif. Bien qu'habitué, après tout il subissait ça depuis sa naissance, il ne pouvait s'empêcher d'en frissonner, comme si à chaque fois qu'un de ces engins s'intéressait à lui une épée de Damoclès se matérialisait soudain au dessus de sa tête.

Ce qui, dans le fond, ne paraissait pas une sensation si déplacée que ça. Un faux pas, et il était mort socialement parlant. Et à Arbaless, les nobles sans contact avec le pouvoir, c'était comme les chevaux aux jambes cassées... Inutiles, et bon à envoyer à l'abattoir. Autrement dit l'armée.

Pas que ça le dérangeait tant que ça, de finir sur le champ de bataille. En fait, il était déjà plus ou moins exposé aux balles, bien qu'elles soient plus métaphoriques qu'autre chose. Mais il ne voulait pas se battre pour Arbaless. Ce continent lui avait fait bien trop de mal pour qu'il ait une once d'attachement envers lui. La seule chose qui l'y retenait, c'était l'amour qu'il portait à sa famille, envers et contre tout.

Non, si un jour il devait prendre les armes, et il savait que ce moment arriverait peut être plus tôt qu'il ne le croyait -après tout c'était la guerre, il ne le ferait pas pour Arbaless. Ni pour Doralmia. Depuis que des soldats Fioreens avaient réussi à tuer le Roi de Doralmia, c'était l'anarchie là bas, la société féodale n'y avait pas résisté, et depuis plus aucune loi n'y était respectée, les anciens dirigeants traqués et tués -la raison pour laquelle Anna se trouvait ici depuis cinq ans et tout un tas d'autres trucs aussi sympathiques les uns que les autres. Il avait entendu que les soldats de Fiore tentaient de réparer leur faute en empêchant les actions criminelles, mais peinaient à imposer un réel pouvoir. Echouaient, tout simplement.

Un système de cité-états paraissait peu à peu s'implanter sur le vieux continent, là où il y avait toujours eu des duchés, comtés et baronnies. Acnologia ne savait pas si c'était un changement positif, mais il savait qu'il ne s'engagerait pas dans l'armée de Doralmia.

Il ne lui restait qu'une seule option, donc. L'armée de Fiore.

Pour l'instant dans un système monarchique parlementaire, le royaume voisin paraissait plutôt stable, quand on comparait avec Arbaless et Doralmia. L'un en guerre intestine constante pour le pouvoir, l'autre en anarchie totale... Oui, décidemment, Fiore paraissait un choix équilibré. 

Sans oublier que sa force militaire était loin d'être faible, grâce à quelques soldats de la garde personnelle du Roi. Ceux là avaient une réputation qui dépassait les frontières. Six seulement, pouvant éventuellement changer tous les dix ans lors d'épreuves de sélection démoniales.

Il avait surtout entendu parler d'un certain Guildarts Clive, dont la force légendaire, l'habileté et  la nonchalance impressionnait plusieurs hauts dignitaires d'Arbaless.

Rencontrer cet homme, un jour, voila qui lui paraissait un beau plan d'avenir.

Bien plus beau que celui qu'on lui destinait avec Anna en tout cas.

NDA : Et voila le tant attendu (ou pas ?) chapitre 35 ! Désolée du retard, j'ai dû lâcher un peu wattpad pour me concentrer sur d'autres truc plus importants comme mes révisions X) Acno commence à être bien mûr, qu'est ce que vous en dites ? Encore quelques infos glissées par ci par là dans le texte, j'aime bien XD Alors, est ce que ce format "retour dans le passé" est à la hauteur de vos espérances sur le passif de nos chers tarés favoris ? :3 Excusez moi pour les fautes, j'ai pas eu la foi d'attendre que mes yeux ne soient plus habitués au texte pour faire une relecture, j'ai dû laisser traîner des coquilles monumentales (pire que d'habitude j'entends) XD