19.

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« Allo ma belle, tu es où ? Me demande Alice à l'autre bout du fil. On te cherche partout depuis tout à l'heure.

_On qui ? Je l'interroge à mon tour très suspicieuse.

_Tu sais très bien qui... S'agace-t-elle avant de reprendre une voix plus agréable. Tu sais que Charlotte à une joue deux fois plus grosse que l'autre maintenant ?! »

Elle pouffe dans le combiné.

« Je vais rester là où je suis jusqu'à la fin des cours et après j'irai en muscu. Je t'appelle après si tu veux ?

_Hum hum, tu ne vas pas t'en sortir comme ça ! Répond-elle en me raccrochant au nez. »

Heureusement pour moi, la leçon que j'ai mise à ma camarade ce matin passe plutôt bien auprès des élèves. Certains me remercient même ou m'adressent des gestes de victoire. C'est presque gênant parce que je ne suis pas fière de la façon dont j'ai agi. Ce n'était nullement réfléchi et j'aurai pu gâcher mes études à cause d'un manque de sang-froid. Alors que je rêvasse sur les marches habituelles en attendant la prochaine sonnerie, je me retrouve plongée de nouveau dans un de mes terribles « flash-back ».

« Alors ma jolie, on est seule ce soir ? Me demande un homme ivre et défoncé. Je peux te tenir compagnie si tu veux... »

Il pose sa main de pervers sur ma cuisse découverte et commence à me la caresser. J'essaye de me relever mais mes frêles mouvements n'ont pas raison de la force de cet homme.

« Dégages tes mains de ma sœur pauvre abrutit ! Rugit Julien. Je te conseille de déguerpir sinon je te refais ta dentition direct, c'est bien compris ?!

_Petit voyou, tu devrais dire à ta sœurette de s'habiller un peu plus long si elle ne veut pas que les gens la tripotent ! Riposte-t-il avec provocation avant de nous laisser.

_Ça va Willie ? Me demande mon frère inquiet. La prochaine fois, soit tu viens au toilettes avec moi soit tu restes avec Julie mais je ne veux plus te voir traîner seule à ces soirées de dégénérés !

_T'inquiètes pas, j'en ai vu pire. »

Je le regarde avec persuasion pour qu'il me fiche la paix. Ce n'est pas de sa faute si à treize ans je suis déjà accro à ces soirées, j'ai fait le choix d'y aller pour ne rien louper de ma vie. Il y a un an encore, j'étais considérée comme la petite intello et je voulais que ça change. J'ai la tête un peu engourdi par ma vodka et je commence à fatiguer. Je demande à ce que nous partions et s'en suit angoisse, violence et dégoût. Je suis toujours aussi impuissante et mon frère n'est pas là...il m'avait promis...

« Will ? Ma belle réveille-toi ! Me secoue mon amie avec insistance. »

J'ouvre les yeux et la luminosité me brûle les rétines. J'ai les joues mouillées et la gorge nouée. Alice est assise là, à côté de moi et je vois dans ces yeux de la tristesse et beaucoup d'incompréhension. A ma surprise, elle me prend dans ses bras et me serre très fort.

« Je suis désolée ma chérie, je ne savais pas que tu allais si mal... Me confie-t-elle. »

Je suis troublée par son aveu car je ne sais pas à quel point elle a assisté à mon cauchemar. De quoi est-elle désolée ?

« Alice, qu'est-ce que tu as entendu ? Je l'interroge gênée.

_Euh... Tu criais « à l'aide », tu te débattais,... Me répond-elle la gorge serrée par l'émotion. Quelqu'un te touchait et Julien n'était pas là... Qu'est-ce qui s'est passé Willie ? Qu'est-ce que tu ne me dis pas ? »

Je la sens dévastée d'avoir été confrontée à ce souvenir. J'ai toujours voulu passer pour quelqu'un de forte et de détachée, espérant ainsi que personne ne me poserait de question et surtout qu'on ne me prendrait pas pour une victime.

« Tu as été agressée, c'est ça ? Finit-elle par me demander. Et quand je t'ai rencontré, ça venait de t'arriver ?

_Oui... je soupire avant de me reprendre. Ecoutes Alice, ce que je vais te dire est très important. Je sais que tu dois être blessée par mon silence mais je voulais te protéger de ce monde qui était anciennement le mien. Peut-être qu'un jour, je pourrais tout te raconter et ce jour-là j'aurai assez de recul pour me dire que je n'y suis pour rien. Mais pas aujourd'hui, s'il te plait ne change pas de comportement envers moi juste parce que tu as découvert cette vérité. Je vais bien.

_Je n'en ai pas l'intention, ne t'inquiètes pas pour ça. C'est vrai que j'aurai aimé le savoir plus tôt pour être là quand tu étais moins bien. Je comprends maintenant pourquoi certains matins tu étais fatiguée et pourquoi je n'ai jamais vu un seul garçon t'approché alors que tu es sûrement la plus belle fille du lycée. Je respecte tes choix et je ne changerai pas, je te le promets, m'explique-t-elle avec patience. Et même si aujourd'hui je peux mettre des mots sur les choses, ces « choses » faisaient déjà parti de toi avant cette discussion.

_Merci, je lui murmure en l'étreignant à mon tour. Merci d'être ma meilleure amie. »

Moi, le rugby et les autres...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant