Chapitre 1

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Je n'aime pas les anniversaires.

Bon, le mien peut-être oui, mais ceux des autres...

La personne concernée est toujours dans un état de surexcitation totale, d'accord parfois c'est amusant à voir, mais d'autres, c'est insupportable.

La personne en question se sert toujours de ce prétexte pour tout et n'importe quoi, exemple, vous préparez une petite blague sournoise, et cette personne, sous prétexte que c'est son anniversaire, n'acceptera pas ne serait-ce que la plus minuscule petite blague.

Eh bien sûr si vous insistez, vous vous faîtes envoyer balader.

J'adore m'amuser, sauf que lorsqu'on m'en empêche sous prétexte que c'est l'anniversaire d'un tel ou un tel, j'avoue que j'ai du mal à l'accepter.

Bon d'accord je suis peut-être un chouia difficile, mais il n'y a pas que ça, l'anniversaire sert de prétexte pour tout, auprès des profs, auprès des parents, des potes, des adultes, du chien de la voisine, du caillou qui se serait malheureusement trouvé sur le passage de la personne en question.

Je ne devrais peut-être pas m'agacer comme ça, parce qu'aujourd'hui ce n'est l'anniversaire de personnes si ce n'est de moi.

Bon d'accord, je n'aime pas quand les gens utilisent leur anniversaire comme prétexte, mais c'est vrai que je le fais tout le temps.

- Swann arrête de te balancer sur ta chaise ! M'interpelle le pion, me tirant de mes pensées.

- C'est mon anniversaire ! Je réplique.

J'offre un petit sourire satisfait au gros bonhomme au visage joufflu qui sert de surveillant pendant cette heure de permanence, tandis que les quelques personnes autour se mettent à rire.

Le surveillant prénommé Pat, enfin c'est son surnom on ne connaît pas son vrai nom il s'amuse toujours à nous faire croire qu'il est un agent de la CIA et qu'il ne peut pas nous l'avouer, me regarde en secouant la tête et fais un petit geste avec son doigt pour insister, non sans un sourire.

Je lui réponds d'un hochement de tête et cesse de me balancer.

Les regards légèrement tournés vers moi se désintéressent de ma personne, et puis j'enfonce mon menton dans la paume de ma main, penché en avant, le regard dans le vide.

J'ai dix-huit ans bordel.

Tout pile, enfin pas tout à fait remarquez, si j'en crois ma jolie montre, cadeau en avance de mes parents, j'aurais dix-huit ans dans exactement une minute quarante-sept.

A 11 heures trente six du matin, j'aurais mon permis, le droit de boire à outrance, enfin non, d'acheter à outrance, de gagner de l'argent officiellement, et pleins d'autres trucs, même si la plupart ne m'intéressent pas forcément.

Un tapotement léger se fait ressentir sur mon omoplate, alors je me balance en arrière histoire d'entendre ce que Nathan, mon voisin de classe habituel, a à me dire.

- Tu fais quoi ce soir ?

Je jette un léger regard circulaire autour de moi, tout en réfléchissant, et puis je chuchote sans quitter Pat des yeux histoire qu'il ne me chope pas en train de discuter :

- Les dix petits nègres d'Agatha Christie sans doute.

- Mec tu l'as déjà relu il y a une semaine !

- Et alors ? Je découvre à chaque page de nouveaux indices sur la fin. C'est très instructif tu sais.

Nathan soupire, excédé, et il ne peut pas me voir, mais je souris d'un air fourbe.

Comme ça, j'ai l'air assez sociable et extraverti, je n'hésite jamais à ouvrir la bouche pour dire ce que j'ai à dire, mais mon seul problème, c'est que je ne fais confiance à personne.

Je suis parfaitement conscient que n'importe qui peut profiter de la faiblesse de l'autre, la gentillesse est une saleté dont les autres profitent pour vous tuer.

Je préfère de loin un long roman policier afin de faire travailler mes méninges plutôt que d'aller traîner en soirée avec des inconnus, ce dont je suis sûr Nathan va me proposer dans la minute.

- Austin fait une soirée chez lui ce soir. Tu ne veux pas venir ? Il sait que c'est ton anniversaire, il m'a même proposé de te demander.

Pris d'un rire moqueur, je chuchote :

- Pourquoi demander à toi et pas à moi directement ?

- Aucune idée.

- C'est ça.

Nathan ne veut pas répondre, mais moi je connais très bien la réponse à ma propre question.

Austin est un gars sympa, pas mal le connaissent dans ce lycée, et ses fêtes ont beaucoup de succès.

Mais s'il n'est pas venu m'inviter directement à sa petite soirée, c'est tout simplement car je l'impressionne légèrement, et pourtant il n'y a pas vraiment de quoi.

Nathan m'a avoué ce qu'on disait dans mon dos quand je passe dans les couloirs, et ce n'est pas toujours joli.

Ma tendance à m'isoler un peu, à offrir des sourires provoquants à qui veut l'entendre, à m'amuser d'un rien en repousse plus d'un, ce que je ne trouve pas forcément intelligent étant donné que je ne suis pas méchant.

Simplement légèrement atypique.

Ça m'agace, je dois l'avouer.

Je ne fais pas forcément grand-chose pour améliorer ma situation, mais je n'apprécie pas qu'on me juge sur quelques aspects de ma personnalité, sans même chercher à connaître les autres.

Et puis je ne suis pas non plus isolé, j'ai quelques amis, enfin copains quoi, ça ne va jamais très loin.

Mais j'ai Nathan, et puis je traîne souvent avec un peu tout le monde même s'il est vrai que je ne me fonds pas souvent dans la foule.

- Alors ça te dit ? Insiste Nathan sans relever.

J'allais lui répondre qu'il pouvait dire à Austin qu'il aurait fallu me voir directement pour que j'accepte sa proposition, parce qu'après tout il y a toujours de l'alcool chez Austin et j'aime l'alcool, quand une brusque bouffée de chaleur me prend la gorge.

Une petite douleur au début se manifeste entre mes tempes, et puis soudain, c'est une explosion dans ma tête.

Des voix, des couleurs, des formes, des voix encore, par dizaines, des chuchotements, comme des fragments d'âme, ils se mêlent pour venir assourdir ma tête.

Pris d'un violent vertige, je perds l'équilibre.

Je tombe au sol, ma tête cognant brutalement le marbre, le bruit de ma chaise chutant est suivi de la voix de Pat, que je ne peux pas entendre clairement.

Les yeux plissés, je sens défiler une dizaine de voix devant moi, je ne les entends pas dizaines, et incapable de les dissocier, je les entends se mélanger les unes aux autres.

C'est insupportable, une furieuse migraine saisit mes tempes, et je serre les poings en tremblant de tout mon corps.

Une nouvelle explosion fusille alors ma tête, je pousse un cri de douleur intense, et puis je me sens m'évanouir.

Parallèles Où les histoires vivent. Découvrez maintenant