Chapitre 18.2

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Pressée contre une cinquantaine de personnes marchant d'un pas lourd dans des couloirs souterrains qui s'étiraient à l'infini, je tenais fermement la main de Kaden. Tout s'était déroulé si vite depuis l'annonce de Carly... Je ne me souvenais pas de grand-chose. J'avais agi comme un robot, suivant la masse.

La BPP arrive. Le Repaire doit être évacué.

Les dernières paroles de Carly tournaient en boucle dans ma tête. J'étais perdue, terrorisée. Moi qui avais enfin repris le contrôle sur ma vie, qui étais enfin prête à me battre. Je m'étais réveillée trop tard. Malgré les efforts brutaux de David, malgré la douceur de Kaden, malgré la retenue de mes amis, il était trop tard. Je n'arrivais pas à croire que tout cela était vraiment arrivé, que nous devions fuir le Repaire, l'endroit que Kaden et David avaient construit. L'endroit qui avait changé ma vie. Tout cela était derrière nous, maintenant. Et je doutais fortement qu'on puisse y retourner un jour.

Je frissonnai, ce qui me ramena à la réalité. L'atmosphère étant chargée. Suivant Kaden, je marchais en cadence, comme un automate, mes pieds se posant mécaniquement l'un devant l'autre. J'avais l'impression d'être la passagère de mon propre corps. Tous mes mouvements s'enchaînaient comme si j'avais été préparée depuis longtemps à cette éventualité. J'étais en mode pilote automatique. Mais, dans ma tête, tout se mélangeait. Tant de questions se bousculaient. Mon cœur battait frénétiquement sous le coup de l'émotion. J'étais stressée, paniquée et épuisée d'avoir transféré mon énergie à Kaden pour le soigner. Dépassée par les événements, je suivis donc le mouvement sans réfléchir.

Toutefois, l'ambiance était pénible et l'humidité et la chaleur des tunnels creusés à même la roche m'asphyxiaient. Mon cœur s'emballa. Tandis que je luttais contre cette situation oppressante, continuant d'avancer, je ne pouvais m'empêcher de me demander où nous allions. La BPP finirait par nous retrouver un jour ou l'autre, que ce soit au Repaire ou ailleurs. Nous étions poursuivis, traqués comme des bêtes sauvages, prêts à être neutralisés. Nous ne pouvions pas fuir indéfiniment. Mon cœur loupa un battement lorsque je compris. Pour la première fois de ma vie, j'avais peur. J'étais tétanisée, même. Seule la main de Kaden serrant la mienne m'empêchait de trembler. Je n'avais jamais été aussi terrorisée à l'idée de me battre. Je jetai un coup d'œil à la ronde. Des femmes, des enfants, des personnes âgées... Leurs visages crispés et leurs mines éreintées me firent mal au cœur. Il était hors de question qu'ils se battent une minute de plus. C'était à cause de moi qu'ils devaient fuir le seul endroit où ils se sentaient en sécurité. C'était à cause de moi qu'ils devaient se battre, au péril de leur vie. Je refusais cela. C'était à moi de régler cette situation. J'avais été naïve, vouant une confiance aveugle à la BPP alors que, au fond de moi, je pressentais ce qu'il se passait. Pourtant, j'avais continué tête baissée à remplir mes missions, taisant mes doutes. Si seulement j'avais compris plus tôt, j'aurais pu... Je ravalai mes larmes. J'aurais pu faire tellement de chose...

Je secouai la tête, le moral dans les chaussettes. Si je n'avais pas été aussi naïve, si j'avais écouté mon cœur, les choses auraient été bien différentes. Mais il était trop tard pour y penser. La seule chose qu'il me restait à faire était de sauver tous ces gens pour réparer mes erreurs.

Fixant le tunnel sans fond d'un œil morne, je me perdis dans mes pensées. Même si Kaden avait rapidement pris le contrôle de la situation, évacuant immédiatement le Repaire et mettant tout en place pour que la BPP ne trouve pas les passages souterrains que nous étions en train d'emprunter, je voyais à son visage fatigué et à ses traits tirés qu'il souffrait. Je lui avais transféré énormément d'énergie. Mais ce n'était pas suffisant. Physiquement, il allait mieux. Mentalement... Il devait être aussi terrassé que moi.

Je fermai les yeux en soupirant, tentant de me rappeler les détails qui avaient suivi le réveil de Kaden. Mais j'avais beau me concentrer, tout était flou. Tout s'était déroulé si vite... Je n'en revenais toujours pas. Les habitants du Repaire avait agi rapidement et dans le calme, comme s'ils étaient préparés à cette éventualité depuis toujours. Je me souvenais de Kaden se réveillant en sursaut, des ordres qu'il avait aboyé à ceux qui se trouvaient près de nous avant de me tirer derrière lui dans les couloirs. Des petites lampes rouges accrochées au plafond s'étaient allumées dans chaque salle et une alarme stridente s'était déclenchée, sonnant la fin de notre quiétude, comme dans les films post-apocalyptiques. Tous les habitants du Repaire s'étaient dirigés sans protestation vers les tunnels pour une évacuation immédiate. J'avais été surprise d'apprendre que des couloirs souterrains avaient été creusés dès le début de la construction du Repaire afin de permettre aux habitants d'évacuer. Depuis toujours, ils s'étaient préparés à fuir. Carly et Kaden m'avaient d'ailleurs assuré que ce n'était qu'une question de temps avant que la BPP ne découvre leur cachette, mais j'avais du mal à les croire. Ils n'auraient jamais pris le soin de s'installer aussi bien si le Repaire n'avait été qu'un endroit provisoire. Dans tous les cas, j'avais précipité cette date butoir.

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