Chapitre 23.1

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Je jetai un énième coup d'œil à ma montre en tapotant nerveusement du pied, le son se répercutant dans les couloirs sombres de ville souterraine encore endormie. Il était déjà quatre heures quarante-cinq et aucun signe de Jesse, Jase, Jackson ou Grace. Le soleil s'était déjà levé alors que nous étions censés partir avant l'aube. Ils étaient en retard. Et je détestais ça. Si ça continuait ainsi, tout notre plan allait tomber à l'eau.

Je m'assis sur le banc sur lequel nous avions tant discuté, mon frère et moi. Cela me fit repenser à ce jour où nous avions échafaudé ce plan idiot. Ou ingénieux. Cela dépendait du point de vue, et du dénouement. Je souris bêtement en me remémorant nos échanges sarcastiques. J'avais enfin retrouvé mon frère. Et ça m'avait fait le plus grand bien. Mais un pincement au cœur m'empêcha de savourer ce bref instant de bonheur. Une larme coula discrètement sur ma joue et je m'empressai de l'essuyer. J'avais abandonné Kaden. Je lui avais menti. Je ne me le pardonnerai jamais. Et lui non plus.

Plus les minutes passaient, plus j'étais persuadée de faire une énorme bêtise. Je lui avais promis... Je secouai la tête, impuissante. J'avais l'impression que mon âme se déchirait en deux. Une partie de moi hurlait de rester près de lui. Mais l'autre, assoiffée de justice et de vengeance, me criait de partir seule. C'était mon combat.

Je fermai les yeux et penchai la tête en arrière, savourant la bise fraîche qui parcourait mon visage. C'était avec peine que j'avais quitté son étreinte protectrice ce matin. Il avait légèrement remué dans son sommeil, mais, heureusement pour moi, il ne s'était pas réveillé. Je l'avais longuement détaillé. Il avait l'air si paisible. La mine grave qu'il arborait ces derniers jours avait laissé place à des traits plus détendus. Un léger sourire flottait sur ses lèvres. Il paraissait serein. J'avais déposé un baiser délicat sur sa bouche, peut-être le dernier, et je m'étais habillée rapidement avant de m'en aller sur la pointe des pieds. Avant de refermer la porte, je lui avais murmuré : « Je t'aime ». C'était la première fois que je lui disais vraiment. Et certainement la dernière. J'avais fermé cette porte à contrecœur et m'étais enfuie en courant, avant que mon stupide cœur ne me fasse changer d'avis.

Je me souvenais encore de ce qu'il m'avait dit la veille :

« Les personnes qui partiront avec nous sont conscientes des risques et sont prêtes à les prendre. Elles veulent partir d'ici, Lili. Elles veulent retrouver leur famille, leur maison, leur planète. C'est leur combat. C'est notre combat. »

Je savais que tous ceux qui participaient à l'assaut prévu plus tard dans la journée le faisaient par conviction. Mais moins nous étions, plus nous évitions de morts inutiles. Je m'accrochai désespérément à cette idée, tentant de me convaincre que la décision que je prenais était la bonne.

J'ouvris les yeux, ravalai ma colère et mes doutes et tentai de penser à autre chose. Je passai une main distraite sur le haut de mon dos, effleurant mes nouveaux tatouages. Ma Marque s'était développée si étrangement, prenant des teintes vertes caractéristiques des Terias. Je détaillai mon bras pour décoder tous les symboles qui faisaient maintenant partie de moi.

Tout en observant ma Marque, je remarquai à quel point la ville souterraine était calme. Tous les habitants de Garbage dormaient paisiblement, sans se douter un seul instant que les seuls humains – et semi-humains – présents trahiraient leur confiance. Je jetai un nouveau coup d'œil à ma montre et la panique me gagna. Moi-même, n'étant presque jamais ponctuelle, j'étais arrivée dix minutes après notre heure de rendez-vous. Mais cela faisait désormais trente minutes que je patientais sur ce banc miteux qui donnait une vue imprenable sur la ville endormie. Seuls quelques gardes surveillaient paresseusement les entrées principales, sans me remarquer.

X-TeriaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant