Chapitre 22.1

293 42 0
                                    

Après notre réunion mouvementée sur la grande place, alors que la majorité du groupe partit dîner avec les autres habitants de Diamond, je m'éclipsai avec mon frère, prétextant vouloir lui parler de ma Marque. Kaden n'ajouta, mais il persistait à vouloir entrer dans ma tête. Il savait que quelque chose me taraudait. Et cela me terrifiait. Mais il ne fallait pas que je laisse mon trouble prendre le dessus. Sinon, je ne serais plus en mesure de contrôler mes émotions et mes pensées. Et si Kaden comprenait ce que je manigançais avec Jase, tout notre plan tomberait à l'eau. Il fallait que je me concentre. Il fallait que je paraisse naturelle. Si je continuais ainsi, les soupçons de Kaden seraient si importants qu'il n'hésiterait pas un seul instant à me confronter. Et bien que j'essayais de repousser cette discussion inévitable, je savais qu'elle finirait par arriver. Je soupirai. Je ne voulais pas partir ainsi, en laissant Kaden seul avec ses doutes et ses peines. Je ne pouvais pas lui faire ça, car, si je ne revenais pas... Je ne voulais pas que ça soit le seul souvenir qu'il ait de moi. Alors que je déambulai dans les couloirs sombres aux côtés de mon frère, je me promis de régler ce problème avant mon départ.

Nous arrivâmes finalement dans le petit parc où Jase et moi nous étions retrouvés plus tôt. Nous nous assîmes sur le même banc, celui où j'avais craqué dans ses bras, lui expliquant mes doutes. Ce même banc où était né notre plan, aussi fou que stupide.

Je fixai Jase. Son regard aussi bleu que celui de notre mère me surprit. Il lui ressemblait tant... Je penchai ma tête sur le côté, l'observant de plus belle. Lui aussi paraissait perdu dans ses pensées. Je tordis mes mains, nerveuse, et les essuyai sur mon pantalon, reproduisant ce vieux tic, ce qui me fit sourire. Tout n'avait pas changé chez moi. J'étais encore Lili, la Chasseuse létale, mais timide. J'inspirai profondément, prête à poser la question qui me brûlait les lèvres depuis un bon moment, mais Jase me devança :

« Je sais à quoi tu penses, me dit-il. »

Je levai un sourcil, l'air interrogateur.

« Le plan de Clay est plus sûr et plus réfléchi. Je le sais. »

Je hochai la tête face à cette triste vérité et reportai mon attention sur un petit garçon qui jouait avec sa mère non loin de nous. D'où je me trouvais, il semblait être un enfant normal. Mais si on prêtait attention à son visage, on pouvait remarquer que de fines branchies, en plus de son nez, se dessinaient sur ses joues au teint luisant, comme recouvertes d'écailles. Et puis, son aura ne trompait personne. Enfin, aucun extraterrestre, ni Chasseur du moins. Je ne savais pas à quelle espèce ce garçon appartenait, mais il paraissait si heureux, si jeune, que je ne pouvais me résoudre à penser que son père ou sa mère allaient servir de chair à canon dans quelques jours, nous permettant de sauver l'Univers, laissant ce jeune orphelin à jamais. La vie avait déjà été si cruelle pour tous ces extraterrestres...

« Je comprendrais tout à fait que tu ne veuilles pas partir avec moi, m'annonça-t-il de but en blanc, fixant lui aussi le petit garçon au visage étrange. Mais je partirai quand même demain, à l'aube.

­— Jase...

— Vous n'avez pas besoin de moi dans le plan de Kaden et de Clay, me coupa-t-il. Je vous assure simplement l'entrée et une protection supplémentaire. La clé, c'est toi et Grace, ajouta-t-il, ses traits s'adoucissant à l'évocation du nom de mon amie.

— Jase, je ne te laisserai jamais partir seul, murmurai-je. Notre plan est déjà fou, improbable, inimaginable même. On a seulement une chance infime d'y arriver. Alors, partir seul, ce serait du suicide ! Il est hors de question que je te laisse faire. Je ne veux pas te perdre, toi aussi... »

Ma voix se mit à trembler et mes yeux s'humidifièrent, les larmes brouillant mon champ de vision. Je ne pouvais pas perdre mon frère. Il était la seule famille qu'il me restait. Je soufflai un bon coup, laissant les larmes dévaler sur mes joues. Moi qui étais habituellement discrète et qui ne montrais jamais mes émotions, je ne m'étais jamais autant exprimée et confiée qu'aujourd'hui, sur ce banc impersonnel, dans les rues lugubres de Garbage. Je ris tristement. Cette journée avait été bien trop éprouvante. Tout se mélangeait dans mon esprit. Quel était le choix le plus juste ? Quel était celui qui me semblait le plus sensé ? Lequel choisir ? Je secouai la tête, impuissante.

X-TeriaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant