Chapitre 1

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Il existe des journées qui dès les premières minutes, au moment où nous ouvrons les yeux et nous sortons de notre petit confort douillet, ont quelque chose de magique. Vous savez, cette sensation impalpable qui grandit en vous, qui allège votre cœur, qui épure votre esprit et qui vous assure implicitement qu'aujourd'hui sera une journée dont vous vous souviendrez comme d'une bonne chose.

Ce fut ce sentiment qui s'éveilla en Lauria lorsque ses pieds foulèrent la moquette de la chambre après sa nuit bien trop longue. Le décalage horaire a eu ses conséquences mais elle ne s'en sortit pas si mal pour une première fois. Elle découvrit lentement le paysage de Los Angeles s'étaler sous ses yeux encore humides de sommeil et atteindre l'horizon sans s'arrêter, comme si cette ville ne connaissait aucune frontière. Et déjà le soleil l'éblouit autant que la circulation infernale qui boucha chaque artère et provoqua quelques élévations de klaxons. Elle s'en coupa sous l'eau chaude de la douche et se prépara face à son miroir avec rapidité. Elle savait pourtant que dans cette ville, le physique était un élément capital, presque la seule chose qui était susceptible de rendre intéressant quiconque. Seulement elle s'en ficha et ne souligna ses yeux bruns que de quelques coups de mascara noir tandis qu'elle couvrit ses lèvres d'une fine couche de rouge mat. Une robe blanche glissa sur son corps n'attendant que le soleil de cette ville pour devenir caramel, une boucle enferma chacune de ses chevilles dans des sandales compensées et enfin la lanière d'un sac aussi noir que les liserés des bretelles de sa robe s'enroula autour de son épaule.

La ville n'attendit plus qu'elle.

Elle découvrit l'extérieur pour de bon, autrement qu'à travers les vitres du taxi l'ayant conduite depuis l'aéroport jusqu'à l'hôtel la veille. Un air chargé de fraîcheur et pourtant pollué lui claqua le visage et fit s'envoler quelques mèches au hasard du courant. Elle en prit une trop grande bouffée pour sa trachée qui la démangea presque sous ce froid inhabituel. Cela fit une différence bien trop importante avec le soleil déjà haut dans le ciel qui s'abattit sur ses épaules nues et les réchauffa en un rien de temps.

Ses yeux se baladèrent tout autour d'elle tel un périscope afin de comprendre ce nouvel environnement. Ils se heurtèrent cependant à la forêt d'immeubles poussant sagement entre le quadrillage des routes gorgées de véhicules.

La Californie dans toute sa splendeur. La chaleur, le ciel clair, l'immensité des buildings mais également la pollution qu'elle soit sonore ou visuelle.

Mais cela n'entacha pas sa bonne humeur et n'annihila pas ce sentiment gonflant son buste fièrement alors qu'elle longea le trottoir, ses doigts serrés sur la lanière de son sac. Son regard sauta d'un point à l'autre dans cette ville nouvelle prête à l'accueillir et à l'émerveiller pour toute la semaine à venir. Elle chercha un restaurant capable de la recevoir pour qu'elle déguste un petit-déjeuner digne de ce nom dans cet endroit où le « healthy » était presque une religion. Sa robe caressa ses jambes à chaque foulée ou à la moindre brise venue s'enrouler autour d'elle et lui faire sentir cette ville.

Elle s'échoua quelques rues plus loin, au beau milieu de l'effervescence des passants, à une table en terrasse où la chaleur estivale continua de l'apaiser mais où l'ombre d'un parasol l'empêcha d'être éblouie par cette boule pâle si intense aux premières heures du jour. Très vite, elle se retrouva accostée par un serveur qui lui apporta un menu regorgeant de plats appétissants, à tel point qu'elle ne sut que choisir sans faire appel au hasard. Le bout de son index parcourut la page de haut en bas jusqu'à s'arrêter sur une ligne quelconque et prononcer avec un accent français évident son choix.

En attendant d'être servie, elle sortit de son sac à main son carnet qui ne la quittait jamais. Elle caressa distraitement la couverture noire aux losanges dorés en relief avant de détacher le stylo brillant et détendre l'élastique. Ses doigts feuilletèrent les pages déjà salies d'encre sombre, déchirant temporairement les phrases et les mots inscrits pour passer au suivant et trouver un espace vierge prêt à recevoir les tourments de son esprit sous les tourbillons de la mine qu'elle décapuchonna. Très vite, elle apposa les premières impressions de son séjour à l'autre bout du monde, loin de l'Hexagone et de ses plages où elle aurait aimé s'allonger lascivement et profiter du bruit de la houle. Ici, elle ne put qu'apprécier quelques vrombissements de moteurs puissants des voitures de sport. Cela ne l'empêcha cependant pas d'écrire ses appréciations au fil des lignes jusqu'à ce que le serveur revienne avec son petit-déjeuner. Elle le remercia tout en lui tendant la monnaie puis elle replongea dans son carnet qu'il noircit d'une main tandis que l'autre attrapa la cuillère de son bol de salade de fruits pour la déguster.

Je veux rêver avec toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant