Chapitre 21

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Enfin l'heure des retrouvailles. Son avion était sur le point d'atterrir à New York, elle allait pouvoir rejoindre Bill qui lui était arrivé dans la ville des heures plus tôt. D'après les e-mails qu'elle avait reçus pendant le vol, il s'était bien installé dans le Airbnb qu'ils avaient loué et il n'attendait plus qu'elle. Le message qui lui parvint à l'instant lui indiqua qu'il était présent à l'aéroport et qu'elle n'allait pas pouvoir le rater dans le hall des arrivées, qu'elle ne verrait que lui. Elle ne comprit pas ce qu'il voulut dire exactement. Pour une ville aussi vaste, l'aéroport allait forcément être conséquent et avec la période des fêtes, les passagers extrêmement nombreux. Elle eut du mal à voir comment elle allait pouvoir le repérer au milieu d'une foule pressée par le temps et excitée par Noël, cela allait plutôt s'avérer être un cauchemar pour lui mettre la main dessus.

Afin de ne pas déjà s'angoisser avec ces idées, elle mit la main sur son carnet de notes, encore un, et trouva son éternel stylo doré qu'elle décapuchonna du simple coup de pouce avant de laisser la mine prendre vie sur une page vierge. L'encre noire forma un point puis s'étala enfin quand elle eut choisi les mots.

20.12.2017

Je suis aussi excitée qu'une gamine à l'idée de revoir celui que je ne voudrais jamais quitter. C'est tellement paradoxal ces sensations, ça m'en donnerait mal à la tête. Je sais que je ne ressens cette excitation que parce que nos retrouvailles ne peuvent se produire qu'une fois tous les trois mois mais pourtant, je donnerais n'importe quoi pour avoir ses yeux sur moi tous les jours. Je veux juste ouvrir les miens le matin et tomber sur les siens. Juste ça. Rien que ça. Avoir pour première vue cet abîme insondable qui m'hypnotise et m'appelle avec ces étoiles fugaces qui vont et viennent comme elles l'entendent.

Ça va être mon plus beau Noël rien qu'avec ça. Pendant six nuits, je vais enfin pouvoir fermer les yeux en regardant les siens et m'éveiller toujours dessus. Durant six nuits, je vais côtoyer les infinités de l'espace dans son regard, me sentir toute petite mais jamais ridicule. Dans cette étendue, je n'y ai toujours vu qu'une envie à m'accompagner dedans, pas à m'y perdre. Et pourtant, c'est si facile de m'égarer dans cette beauté galactique, dans cette vaste mer de scintillements qui me font oublier que la Terre est chez moi et que je dois y remettre les pieds.

Oh non, quand je suis dans cet espace, je ne veux pas retoucher terre. Ce doit être ce que ressentent les astronautes lorsqu'ils reviennent de l'ISS, ce déchirement, cette sensation en soi qu'on retrouve une banalité qui ne nous correspond pas, que la nôtre est au-dessus, dans les étoiles, avec la Terre en paysage, pas en point d'accueil.

J'espère quand même que lorsque je reviendrai sur terre, je n'aurais pas mal. Mon cadeau va être si particulier que j'ai peur qu'il explose entre mes doigts mais c'est trop tard maintenant et je n'ai plus qu'à croire en une bonne étoile.

Et pendant que New York se rapproche de moi, je cherche déjà à voir Bill à travers le hublot. J'ai presque du mal à croire que je suis bien dans cet avion, que je vais bel et bien le revoir... J'ai attendu ce moment si longtemps que je me demande si je ne rêve pas encore.

Elle referma son carnet et le rangea dans son sac, l'esprit plus assez concentré pour écrire un mot de plus. Elle se perdit dans ce lac gris où elle allait atterrir d'un moment à l'autre, elle eut presque peur devant cette étendue figée qu'elle devina grouiller de plus en plus, à mesure que l'avion perdit de l'altitude. Cela lui parut si immense qu'elle eut du mal à réaliser la réalité de sa vie et de ce voyage. Sa petite ville lui sembla encore plus ridicule, elle se serait déjà faite avaler toute entière dans cette vaste marée de buildings dressés aussi haut pour elle que les palmiers de la Californie.

Je veux rêver avec toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant