Chapitre 26

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Elle se laissa tomber sur le côté et s'étala sur le canapé, dérangeant au passage Pumba qui grogna son mécontentement d'être bousculé de la sorte. Elle se fit pardonner en lui embrassant le sommet de la tête. Elle referma son ordinateur, légèrement morose, et alla chercher un manteau dans la chambre ainsi que la laisse de Pumba pour aller le promener. Elle avait besoin de se vider l'esprit et de se dégourdir un peu les jambes, certainement autant que son compagnon à quatre pattes qui restait enfermé ici toute la journée.

En enfilant son manteau, elle tomba sur le tableau au mur avec les photos et les rêves de Bill accrochés dessus. Elle sourit devant son visage plus enfantin, moins marqué par le temps et sublimé par du maquillage qu'elle n'avait elle-même jamais porté. Désormais, elle pouvait mettre un nom sur les personnes autour de lui, elle en avait rencontré la plupart. Mais ce qui l'intéressa le plus, ce fut les papiers de différentes couleurs épinglés ici ou là et contenant les rêves de celui dont elle partageait la vie. Si jamais elle pouvait en réaliser quelques uns...

Pourtant, un seul l'attira. Le rouge. Elle le relut plusieurs fois. Me marier avant mes trente ans. Elle n'arriva pas à s'en défaire sans explication logique. Elle remonta la fermeture de son manteau, les yeux rivés sur ce simple enchaînement de mots qu'elle ressassa. Une seule interrogation s'imposa dans son esprit, une interrogation qui la surprit elle-même lorsqu'elle s'entendit la prononcer à voix basse.

« Et mes parents ? »

Elle secoua la tête mais rien ne s'en échappa. Elle ne cessa de se demander ce qui se passerait le jour où effectivement elle se marierait avec Bill. Ils n'en avaient jamais parlé, ne l'évoquaient même pas à demi-mot et ne vivaient ensemble que depuis un mois mais il était évident pour elle que cela se produirait dans une suite logique. Cela ne pouvait pas se passer autrement. Et déjà que le dialogue était coupé avec ses parents, qu'en serait-il s'ils décidaient de se marier ? Feraient-ils le déplacement jusqu'en Amérique pour cet événement ou bouderaient-ils toujours autant ? Et elle ? Supporterait-elle de vivre une telle cérémonie sans ses parents près d'elle ? Et sa sœur ? Même si elles étaient en train de renouer tout doucement, cela suffirait-il à la pousser à venir jusqu'ici si jamais elle décidait de s'unir à Bill officiellement ?

Elle poussa un interminable soupir avec l'espoir que ses interrogations s'évacuent avec. Elle sortit de la chambre et accrocha la laisse à Pumba avant de partir faire un tour dans le quartier. Elle marcha lentement le long des trottoirs, la tête ailleurs que sur le goudron où ses pas s'étalèrent. Elle prit la direction du parc MacArthur sans même y réfléchir et se mit à parcourir les allées en béton entourées d'herbe, une herbe trop verte pour paraître vraie, sans doute gorgée d'engrais et d'eau tous les jours. Elle regarda l'immense lac au centre aussi calme et beau qu'en été, comme si les saisons n'avaient aucune influence sur cette parenthèse de nature. Seul le ciel plus gris qu'en juillet lui rappela que l'hiver se poursuivait et ternissait les horizons.

Elle se laissa tomber sur un banc plus loin, vide. Pumba se coucha à ses pieds, la langue en train de pendre. Une plainte lui échappa alors qu'elle observa les gens vivre dans cet espace vert pour ainsi dire hors du temps de la ville. Elle prit un grand bol d'air, se dégagea les poumons et l'esprit. Ou presque.

Elle avait beau chercher un travail, même un tout petit, elle ne trouvait rien et cela amorça son inquiétude. Vivre à deux engendrait plus de frais et elle commençait à se demander si Bill parviendrait encore longtemps à subvenir à leur besoin. Cela ne faisait qu'un mois et déjà elle sentait que cela allait rapidement bloquer si rien ne se décantait. Elle n'avait déjà pas de véhicule pour se déplacer comme elle le voulait et tout faire en taxi allait lui revenir cher, elle ne pouvait pas se permettre des déplacements trop grands. Et trouver un emploi, ou même un petit job, dans les rues alentours, était tout simplement mission impossible. Les commerces ne manquaient pas mais il s'agissait de petites boutiques sans importance qui étaient dans un tel état qu'elle se demandait parfois si elles n'allaient pas fermer d'un moment à l'autre. Même le magasin où travaillait Bill pouvait donner cette impression quand elle y réfléchit. Elle espérait que cela n'allait pas être le cas, ils seraient bien embêtés sinon.

Je veux rêver avec toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant