Chapitre 10

127 4 2
                                    

Dès qu'elle ouvrit les yeux, elle se jeta sur son téléphone telle une droguée sur sa came. Elle découvrit avec soulagement un nouvel e-mail dans sa boîte de réception qu'elle ouvrit d'une pression de l'index tandis que son autre main frotta ses yeux agressés par cette luminosité soudaine.

Dors bien, ma rêveuse. Et quand tu vas te réveiller, moi je vais m'endormir. C'est injuste. Mais je m'en fiche, ton sweat me fait oublier que tu n'es pas contre moi, c'est comme un médicament contre ton absence.

Tu as raison, le temps sera notre allié mais je peux être si impatient... Mais je crois que c'est la première fois que je suis prêt à attendre une éternité le retour de quelqu'un. Je préfère croire que tu vas revenir, même si c'est dans mille ans, que de croire à une autre histoire que la nôtre. C'est impossible. Personne ne peut me comprendre et me correspondre autant que toi. Je le sais, je le sens. C'est là, dans ma tête, dans mon cœur, c'est aussi évident pour moi que de respirer. Je n'ai pas besoin d'y réfléchir, ça se fait tout seul.

Et c'est ça que Tom ne comprend pas. Normalement il est mon jumeau, il devrait me comprendre mieux que personne, mais je crois que c'est trop intime pour qu'il comprenne ce que je vis avec toi. Et je ne peux pas lui expliquer. C'est en même temps trop dur et trop facile. Comment on explique l'évidence ? Je n'en ai aucune idée. Alors il me regarde, il m'interroge, il essaie de me faire croire que j'ai tord de m'accrocher à toi, et moi... Moi, j'enfile ton sweat trop petit pour moi quand je rentre chez moi le soir et je respire ton odeur pour me rappeler que je n'ai rien rêvé. Je ne pourrais pas rêver une odeur alors c'est bien le réel quand je te respire à travers ton sweat. Mais j'ai peur que mon parfum recouvre le tien. Si je n'ai même plus ton odeur pour me rappeler ta présence, qu'est-ce qui va me rester ?

Il faut qu'on se revoie très vite, ma rêveuse. J'aimerais que tu sois chez moi pour mon anniversaire, qu'on profite de la nuit ensemble, dans notre endroit, dans notre bulle... Mais je sais que c'est impossible. Mais peu importe, je t'attendrais une éternité. Je te l'ai dit, je le confirme. Et si tu ne reviens ici que dans cinquante ans, je m'en moque. Je t'accueillerai avec le même amour que j'ai pour toi aujourd'hui, je te serrerai dans mes bras et je te garderai précieusement avec moi.

Pleurer dès le matin, au réveil, cela ne lui était pas arrivé depuis son enfance, à la sortie de cauchemars plus idiots qu'effrayants. Et pleurer de joie, aussi loin qu'elle s'en souvenait, cela ne s'était jamais produit, pas même dans son plus jeune âge lorsqu'elle recevait enfin un cadeau tant voulu ou après une réussite tant méritée. Tout ce qui se passait relevait de l'extraordinaire et cette saveur était si délicieuse qu'elle aurait aimé en profiter jusqu'à son dernier souffle.

Elle reprit le tee-shirt de Bill contre elle telle un peluche sacrée, celle qui l'aurait suivie depuis son enfance, qu'elle cala sous son bras et qu'elle respira entre deux tapotements sur son écran pour répondre à cet e-mail pesant si lourd dans sa poitrine. Elle lui écrivit comme si elle l'avait face à elle, avec cette même facilité que de simples paroles dans cette langue qu'elle maîtrisa de plus en plus. En une semaine, elle avait conscience d'avoir accompli des progrès qu'elle n'aurait jamais eus si elle n'avait pas rencontré Bill. Avec la même douceur et la même poésie que lui, et après avoir traduit certaines de ses phrases grâce à internet, elle tenta de le rassurer sur ses craintes face à cette distance paraissant insurmontable pour eux et lui renouvela son soutien et son amour pour lui.

Puis son quotidien reprit son cours de la même façon qu'avant ses vacances.

Elle se prépara, déjeuna, défit sa valise et alluma son ordinateur portable dans son salon afin de mettre au propre les pages garnies de son carnet plein. De la musique en fond sonore afin de calquer le rythme de ses doigts enfonçant des touches à celui de ceux enfonçant les touches d'un piano ou grattant les cordes d'une guitare, elle passa près de trois heures devant son écran. Parfois, son regard dévia sur son portable affreusement silencieux du seul dont elle voulut avoir un signe de vie. En réalité, il bipa à plusieurs reprises, juste à côté de sa souris, mais elle l'ignora superbement. À chaque fois, le seul prénom qu'elle voulut voir ne s'afficha pas et ceux des autres ne l'intéressèrent guère. Elle ne souhaitait pas encore se plonger dans les récits inventés pour ses amis ou sa sœur, pas encore, elle préférait retranscrire ses pensées au propre et rester ainsi dans sa petite bulle de bonheur incompréhensible pour les autres.

Je veux rêver avec toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant