Chapitre 22

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Elle retrouva la France presque avec déception. Ce Noël à New York lui avait laissé un goût incomparable, elle en était déjà folle et le manque se faisait ressentir depuis son premier pas dans l'aéroport, là où elle avait dû laisser Bill et son cœur avec lui. Lui n'avait son vol que plus tard dans la journée, il pouvait encore garder un peu plus New York autour de lui et compléter ses souvenirs. En revanche, elle, elle retrouva le froid mais surtout la pluie battante qui s'écrasa contre la vitre du train où elle monta. Encore une heure dans ce wagon plein pour les fêtes et elle serait enfin chez elle qui n'allait plus l'être pour longtemps. Elle en sourit, le menton calé dans le creux de sa main, les yeux perdus sur la course des gouttes.

Elle allait vivre en Amérique. Elle eut presque du mal à s'en convaincre alors qu'elle était à l'origine de ce changement. Elle, à Los Angeles... Si quelqu'un lui avait dit ça tout juste un an plus tôt, elle aurait probablement éclaté de rire. Rien ne laissait penser qu'elle prendrait un tel choix, elle avait du mal à s'en rendre compte en totalité. Quitter son travail, quitter son appartement, quitter son pays...

« J'suis folle. » Soupira-t-elle sans perdre son sourire.

Cette seule idée de ne plus vivre ici fit battre son cœur plus fort. Elle ne sut quoi en penser précisément. La tristesse et l'excitation se mélangèrent en un sentiment opaque et tortueux qui s'immisça dans son ventre et le sonda en profondeur. Elle osait tout juste imaginer la tête de sa famille lorsqu'ils apprendraient qu'elle allait déménager à neuf milles kilomètres d'eux... Déjà que le contact était rompu, il ne se recréerait sans doute jamais à la suite de ça.

Elle s'en mordit les lèvres. Elle regarda son portable incroyablement muet de leur message. SMS ou e-mail, elle n'avait rien reçu. Même après la photo de l'aéroport, même après ses vœux pour Noël, même pour prévenir de son arrivée en France aujourd'hui, rien. Elle se doutait que personne ne serait à l'aéroport mais également chez elle, elle ne pensait pas voir le visage de quiconque devant sa porte.

D'ailleurs, tout ce qu'elle y trouva devant à son arrivée en traînant sa grosse valise derrière elle, ce fut un tas de publicités tombées de sa boîte aux lettres. Elle le ramassa et entra chez elle en redécouvrant presque l'endroit. Elle observa chaque mur en pensant à son départ dans quelques jours. Après avoir vécu quasiment cinq ans dans ce petit appartement, elle allait tout plaquer pour la même chose de l'autre côté de l'océan, dans une ville promettant toutes les rêveries. Le dix janvier, tout cela serait du passé. Quelqu'un d'autre prendrait place dans ses lieux qu'elle avait tout fait pour personnaliser à son image mois après mois. Le temps était compté désormais. Elle allait devoir passer les prochaines journées à vider cet endroit comme s'il n'avait jamais compté pour elle, vendre le plus possible de meubles, céder les autres, revendre sa voiture, faire ses valises et partir.

Partir loin. Tout abandonner. Recommencer à zéro.

En d'autres circonstances, elle en aurait fait des cauchemars pendant des jours. Elle aurait pleuré, paniqué, cherché mille moyens de renoncer et aujourd'hui, seule une légère appréhension pesa dans son estomac. Et cette boule au fond du ventre ne fit que l'encourager à se remonter les manches et à remplir ses objectifs le plus tôt possible. Elle ne souhaitait pas tout faire au dernier moment, elle était prête à passer les deux semaines au milieu d'un appartement vide, avec juste ses valises en guise de meubles et un plaid pour dormir.

Mais heureusement pour elle, cela ne fut pas le cas. Grâce à sa grand-mère et avant tout à son grand-oncle avec sa camionnette, elle parvint à déménager tout son appartement dès le lendemain, à le nettoyer et à pouvoir rendre les clés au propriétaire. Elle allait loger chez sa grand-mère jusqu'au dix janvier, date de son départ pour l'Amérique. Elle n'avait toujours pas prévenu sa famille la plus proche de son déménagement, elle ne savait pas réellement comment s'y prendre pour que le choc ne soit pas trop grand. Annoncer partir à l'autre bout du monde, d'une façon ou d'une autre, cela allait provoquer un cataclysme chez ses parents. Elle se demanda si attendre le dernier moment, les mettre au pied du mur était un bon choix ou un mauvais. D'un côté, elle n'aurait pas à supporter leurs avis puisqu'elle s'en irait les minutes suivantes. D'un autre, c'était presque les ignorer superbement et complètement leur tourner le dos. Elle ne partait pas pour les fuir, elle ne souhaitait pas leur donner cette impression, elle partait uniquement faire sa vie comme elle l'entendait. Plusieurs fois, elle rédigea un SMS pour les prévenir avant de renoncer, de tout effacer et de soupirer, désespérée de trouver une solution.

Je veux rêver avec toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant