Chapitre 13

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Elle ouvrit un œil encore collé de sommeil dans l'obscurité de sa chambre. Elle n'en fut pas sûre mais il lui sembla entendre une vibration. Elle tâtonna à la recherche de son portable, renversa sa petite bouteille d'eau de sa table de chevet au passage mais elle s'en moqua. Elle remarqua le voyant jaune clignoter, signe d'un message reçu. Elle se frotta les yeux, bâilla longuement et s'enfonça dans ses couvertures bien chaudes avant d'enfin déverrouiller son téléphone. Elle grimaça devant cette luminosité si agressive pour ses pauvres yeux fatigués. Elle ouvrit la réponse de Bill qu'elle avait attendue depuis son retour chez elle. Elle n'avait même pas répondu aux appels de ses parents, elle préférait les ignorer de peur de devenir violente en leur encontre.

Elle lut alors l'accord de Bill à rencontrer sa famille lors d'une conversation sur Skype. Il admit que cela semblait rapide et précipité mais il reconnut que cela permettrait sans doute de rendre leur histoire plus officielle aux yeux de ses parents. Elle analysa chaque proposition d'horaires qu'il énuméra dans son e-mail, l'esprit encore perturbé par son manque de sommeil. Reprendre le rythme de son travail si décalé et ne pas passer douze heures sous sa couette pour profiter de la journée, cela fut plus difficile qu'elle ne le crut. Elle répondit enfin à Bill avant de replonger le nez dans son oreiller avec pour seule satisfaction d'avoir son tee-shirt contre elle et son odeur à la moindre inspiration. Maintenant qu'elle avait pu avoir son parfum pour l'en imprégner, elle ne se gêna pas pour le sniffer à l'excès, au point de manquer d'air parfois.

Ce fut son seul réconfort en dehors des e-mails quotidiens de Bill pour combler cette absence dévorante au fil des jours jusqu'à cette fameuse date de rencontre. Elle ne sut pas se l'expliquer mais un tel malaise l'envahit qu'elle envisagea à plusieurs reprises d'annuler tout bonnement cette conversation sur Skype sous tous les prétextes du monde. Et le jour J, sur la route pour rejoindre la maison de ses parents et passer le week-end chez eux, elle paniqua à chaque kilomètre avalé par les roues de sa voiture lancée à toute vitesse sur les routes de campagne. Elle tenta de se rassurer mais avec ce qui s'était passé lors de son aveu, elle n'était pas certaine de voir un dénouement favorable se produire. Elle craignit au contraire de voir ses parents partir en reproches par centaines, ignorer l'évidence et transformer cette rencontre virtuelle en véritable cauchemar.

Elle imagina mille scénarios détestables durant lesquels ses parents se dressèrent entre elle et Bill avec ces prétextes qu'elle jugeait ridicules. Elle s'attendit à entendre ce nouveau reproche de la distance, comme si cela pouvait avoir un quelconque intérêt. Elle, tout ce qu'elle trouva à cet éloignement géographique, ce fut une relation plus forte, un lien plus intense, quelque chose les unissant réellement, pas seulement en se tenant la main dans une rue sans rien partager d'autres que des doigts entrelacés. De savoir Bill si loin d'elle, cela fit gonfler en elle non pas de la jalousie mais de la confiance, aussi paradoxal que cela puisse paraître à quiconque. Avec ce qu'elle avait vu de lui durant presque une semaine, avec ce qu'elle savait de sa vie et de leur façon d'être ensemble, elle ne pouvait pas penser un seul instant qu'il vivait une autre vie dans son dos. Impossible. Et elle ne voulait pas que cette supposition s'immisce dans son esprit à force d'être rabâché par ses parents.

Elle arriva enfin sur place, sous un soleil infernal qui cogna sur sa tête et lui donna presque le tournis. Elle rajusta ses cheveux bruns luisants sous les rayons chaleureux, dégagea sa nuque de leur étuve avec un élastique les tenant lâchement puis attrapa sa sacoche contenant son ordinateur portable ainsi que son sac à dos remplis d'affaires. Elle se réfugia dans le salon frais avec plaisir, elle en laissa même échapper un soupir de soulagement de ne plus avoir cette chaleur intense après avoir pu profiter de sa voiture climatisée. Elle salua ses parents avec plaisir malgré cette angoisse toujours présente dans ses tripes et l'empêchant de ne serait-ce que boire une gorgée d'eau, elle n'était pas sûre de parvenir à la digérer. Elle s'assit sur le canapé, entre son père et sa mère et prépara tout sous leurs regards attentifs et presque trop insistants à son goût. Elle se connecta et attendit de voir Bill débarquer d'un coup. Elle ne sut plus si elle était impatiente qu'il l'appelle ou si elle préférait qu'il lui envoie un e-mail pour annuler. Elle ne lui en aurait même pas voulu, elle-même souhaitait encore claquer l'écran de son ordinateur afin de couper court à une possible déception de taille vis-à-vis de ses parents.

Je veux rêver avec toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant