Chapitre 30

86 2 0
                                    

Elle ouvrit l'e-mail qui vint d'arriver en provenance de sa sœur. Une telle appréhension prit possession d'elle qu'elle vit ses doigts trembler sur son écran qui chargea la page bien trop lentement à son goût. Elle retint sa respiration quand les lignes noires apparurent. Elle les lut en prenant son temps de peur d'échapper à un mot faussant toute la compréhension finale.

Putain Lau', c'est quoi ce truc ? Je viens de recevoir ton faire-part. Tu te fous de moi ou quoi ? Tu te maries ?! Non mais tu déconnes ?! Tu te maries avec ce mec ?! Mais t'as complètement pété un câble, c'est pas possible ! Ça fait même pas un an que tu le connais et tu te maries déjà ?! Et tu me demandes d'être ton témoin en plus ?! Et tu crois que je vais faire le déplacement jusqu'à Los Angeles pour ça ?! Mais t'es complètement folle !

Le lien qu'elle avait rafistolé dans les dernières semaines avec Fanny lui éclata en plein visage. Elle s'effondra sur l'accoudoir du canapé, les larmes aux yeux, les doigts sur le point de lâcher son téléphone au sol. D'autres lignes plus bas suivaient ce paragraphe mais l'envie de les lire disparut aussi vite que sa triste illusion d'une bonne nouvelle. Elle n'espérait pas des éclats de joie dans chaque mot, loin de là, juste une certaine satisfaction à voir que sa vie se stabilisait et que des projets concrets venaient ancrer son existence dans ce nouveau pays. Elle n'avait pas évoqué ses problèmes de papiers et la réalité sous-jacente qui consistait à se marier pour pouvoir effectivement vivre en Californie dans la légalité, elle n'avait pas envie d'évoquer à nouveau ce problème qui l'avait tant inquiétée.

Elle regarda autour d'elle, découragée. La solitude l'envahit à mesure qu'elle découvrit l'appartement vide de vie à cause de Bill au travail. Même Pumba n'était pas ici pour égayer sa journée, il était chez le vétérinaire pour la journée à cause d'une blessure à la patte et c'était à Bill d'aller le récupérer le soir, elle n'avait pas les moyens de se rendre là-bas sauf avec un taxi et il lui avait formellement interdit ce genre de dépenses inutiles à quelques mois de leur union si coûteuse.

Elle retomba sur le message toujours affiché sur son téléphone, n'attendant qu'elle. Elle relut les premières lignes et la même vague de désolation remplie ses yeux jusqu'à vouloir déborder. Elle n'aurait jamais cru fêter son mariage seule mais de toute évidence, cela allait se produire. Si sa sœur avec qui elle avait vaguement renoué s'emportait de la sorte à l'idée de son union maritale, ses parents n'allaient pas approuver un seul des mots écrits sur le faire-part. Elle imaginait déjà qu'ils l'avaient envoyé dans la poubelle sans état d'âme, probablement même sans le lire. Son seul nom sur l'enveloppe avait dû la disqualifier d'un quelconque intérêt et la jolie carte était restée scellée jusque dans les ordures.

Néanmoins, sa curiosité quant à la suite du message l'emporta sur sa volonté de le supprimer immédiatement. Elle fit glisser les lignes sous son pouce, le souffle détraqué par l'attente et l'anxiété qui la gagnèrent un peu plus. Elle s'attendit à des reproches encore plus importants, une envie de couper le contact définitivement et elle s'imagina déjà garder cet e-mail en tant que dernière preuve d'un lien quelconque avec sa famille la plus proche.

Tu as intérêt à préparer les boissons, ma p'tite Lau', parce que pour moi, Los Angeles, c'est synonyme de vacances alors quand je vais débarquer, je veux le soleil, les cocktails et les beaux mecs, compris ?

Elle relut le passage, peu sûre d'avoir bien intégré chaque lettre comme il faut afin de former les bons mots et de comprendre les phrases. Si Fanny parlait de débarquer, c'était bel et bien qu'elle comptait venir à la cérémonie contrairement à ce que laissait présager le début de l'e-mail. Elle ne sut plus quoi en penser. Sa sœur était-elle devenue une girouette capable de changer d'avis comme le vent ?

Je veux rêver avec toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant