Chapitre 5

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Elle regarda son portable pour la énième fois de la journée, à l'abri du soleil de plomb qui fracassa son crâne dès qu'elle se retrouva dessous. Bill vint de lui envoyer un e-mail confirmant sa venue à l'hôtel pour vingt heures, pas avant. Il lui confirma par la même occasion sa surprise, ce qu'elle prit comme une pique acérée dans sa poitrine qui titilla sa curiosité et éveilla mille scénarios qu'elle visualisa dans le parc MacArthur, à l'ombre d'un arbre, posée sur un banc. Elle commença à se sentir chez elle dans cet espace vert à force d'y traîner mais elle appréciait cet endroit en attendant de découvrir le prochain où Bill l'emmènerait. Elle passa le temps de cet après-midi chaud dans ce cocon d'oxygène qui lui fit oublier les rues infernales au béton capable de cramer et à la circulation bruyante.

Le nez plongé dans son carnet de notes, elle coucha des mots par dizaines, laissant ses pensées s'écouler sur des pages et des pages, le plus vite possible pour vider sa tête. Elle eut tant d'émotions à essayer de mettre en forme qu'elle en perdit parfois le fil. Les mots furent décousus sur certaines lignes cependant cela ne compta pas à ses yeux. Elle empila les sentiments avec des noms, des adjectifs, des syntaxes différentes et parfois quelques rimes pour que cela soit plus joli lorsqu'elle prit le temps de se relire. Les écouteurs de son lecteur de musique dans les oreilles, elle oscilla entre la poésie des morceaux défilant et celle qu'elle tenta de créer avec sa petite modestie.

Puis elle fut vidée, à sec, incapable de faire couler l'encre à nouveau pour remplir ses pages vierges de moins en moins nombreuses. Alors elle rangea son carnet presque plein, éteignit son lecteur et sortit son recueil de poésies pour ne pas s'en défaire. Elle se laissa porter par les vagues des vers tel un bateau porté par la houle de sentiments profonds insondables remontés tout à coup à la surface pour la tourmenter. Elle laissa ce tourbillon naître en elle et la happer sans opposer la moindre résistance, en plongeant au contraire dedans sans presque d'inspiration comme si se noyer dans ses idéaux sublimés par les mots valaient mieux que la vie. L'heure de retrouver celui qui hantait son cœur approcha et elle dut se résoudre à remonter à la surface pour retourner à son hôtel et se préparer à sortir. Elle se mit en valeur sans outrance, juste pour se sentir bien, à l'aise avec elle et son corps. Elle se prépara devant le miroir comme d'habitude, avec seulement un peu de maquillage, et n'arrangea pas sa coiffure légèrement malmenée par le vent. Sa robe sans manches blanche aux motifs de notes de musique épousa son buste parfaitement puis s'évasa lentement jusqu'à ses genoux. Elle tourna sur elle-même, heureuse de son achat puisqu'il s'agissait d'un vêtement de sa séance shopping deux jours plus tôt.

La sonnerie de son portable l'interrompit et la rendit plus fébrile en voyant un nouvel e-mail de Bill. Il allait arriver d'un moment à l'autre, comme promis, elle s'y prépara en descendant dans le hall de l'hôtel où elle l'attendit de pied ferme, prête à découvrir sa surprise. D'ailleurs, dès qu'il franchit la porte vitrée, elle avança vers lui avec plaisir mais resta surprise de le voir ouvrir les bras, l'invitant à se réfugier dedans. Elle n'eut qu'une brève hésitation. Elle accepta l'étreinte amicale dont elle profita pour analyser son comportement. Cette pression délicate, ce parfum doux et tenace à la fois, cette enveloppe de bras aussi verrouillée que prête à céder... Un cocon rassurant mais pas contraignant, apte à l'accueillir, à la protéger, mais certainement pas à l'étouffer.

« Tu vas bien ? L'interrogea-t-il en la libérant.

- Oui, et toi ?

- Oui. Désolé de ne pas être venu plus tôt mais j'étais avec mon frère et...

- Aucun problème, le coupa-t-elle avec un mouvement de main. C'est normal de voir ta famille. Tu es là maintenant, c'est le plus important.

Je veux rêver avec toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant